Elections municipales genevoise : Rapports de forces et d'efforts

Le vent mauvais qui souffle ces temps dans toute l'Europe a accouché d'une petite brise dans les urnes municipales genevoises : en Ville de Genève, l'extrême-droite (UDC, MCG) a gagné cinq sièges (sur les 80 sièges du Conseil), les Verts en ont perdu six et la gauche a perdu, pour deux sièges sa majorité au plénum (et sans doute aussi dans les commissions) :  en Ville (mais pas seulement), l'enjeu des élections municipales était la double majorité dont la gauche dispose à l'Exécutif et au Délibératif. A l'Exécutif, il faudra attendre deux semaines (on ne votait hier que pour le premier tour de cette élection majoritaire) pour que cette majorité, sa composition et son ampleur soient confirmées -mais comme disait Léon Nicole, "les perspectives sont plus belles que jamais" avec les quatre candidates et candidats de gauche dans les cinq premiers, et le cinquième candidat de gauche en septième position, sans soutien officiel du PS et des Verts. Au Délibératif, en revanche, on sait ce qu'il en sera pendant les cinq ans à venir : la gauche a perdu (la majorité du fait de l'effondrement des Verts que ne compense pas l'avancée de la gauche de la gauche, mais il n'y a pas de majorité "alternative à l'Alternative", l'extrême-droite progresse mais ses deux listes ensemble ne  pèsent qu'un quart (19) des sièges (c'est déjà trop, d'ailleurs, pour des partis qui rêvent de supprimer purement et simplement la commune de Genève), le PLR continue de régresser et si le Centre progresse, c'est grâce à son alliance avec les Verts libéraux -et on voit mal ces deux partis s'allier à l'extrême-droite, sauf à se déconsidérer. Dans trois semaines, on en aura fini avec les élections municipales, et le deuxième tour de celle du Conseil administratif aura scellé le rapport des forces institutionnel  pour cinq ans -mais seulement le rapport des forces institutionnel : ailleurs, c'est le rapport des efforts qui sera déterminant. Au boulot, donc...

Des institutions démocratiques élues par un sixième de la population...

Election ou abstention piège à con ? En tout cas, les cinq ans à venir en Ville de Genève vont furieusement ressembler à la "législature" 2015-2020  : une droite majoritaire qui ne sait pas quoi faire de sa majorité, des dizaines de ses propositions annulées ou rétrogradées pour illégalité par la surveillance cantonale des communes. Dans de telles conditions, le pouvoir municipal n'est plus (à supposer qu'il y soit jamais) au délibératif mais à l'exécutif, plus au Conseil municipal mais au Conseil administratif : telle est la répartition des compétences dans la très française République de Genève : la Municipalité, c'est d'abord la Mairie. Et dans trois semaines, dans toutes les villes du canton -à commencer par celle de Genève- un deuxième tour électoral les aura désignées. Il n'y a plus de listes électorales, pour l'élection des Conseils administratifs : on a un bulletin de vote sur lequel figurent toutes les candidats et tous les candidats, et on coche. Du coup, ce sont les campagnes électorales qui sont déterminantes, la mobilisation des miloitantes et des militants, les figures sur les affiches. En Ville, la gauche était partie avec cinq candidatures, dont quatre (les deux socialistes, les deux vert.e.s) en campagne commune, et la cinquième (celle de la gauche de la gauche) en toute indépendance. La question va donc se poser d'une campagne à cinq, avec la gauche de la gauche si elle maintient une candidature, au cas où droite se coagulait sur deux candidatures communes -autrement dit, si le Centre et les Verts libéraux s'alliaient non seulement avec le PLR (ce qui ne serait qu'une reconstitution de la vieille Entente bourgeoise) mais aussi avec l'UDC et le MCG. Si une telle alliance de bric et de broc ne se faisait pas, PS et Verts pourraient se contenter de reconduire leur alliance autour de leurs quatre candidatures. Et de laisser leur électorat choisir, comme il y a cinq ans, entre une candidature de la gauche de la gauche et la candidature de la sortante Marie Barbey Chappuis (qui fut élue grâce au soutien de la gauche).

Etre au parlement, pour un parti ou une coalition de groupes politiques, est-ce indispensable ? C'est la question posée depuis des décennies à la "gauche de la gauche". Et qui, concrètement, se résume en ceci : perdre une majorité parlementaire, est-ce grave ou n'est-ce qu'une péripétie ? Les parlements prennent des décisions : les législatifs votent des lois, les délibératifs accordent des moyens. Les lois ont des effets, les moyens peuvent être utilisés. Etre absents de ces lieux, ou y être minoritaires, c'est renoncer à pouvoir peser sur ces effets, renoncer à pouvoir disposer de ces moyens ou en faire disposer d'autres. Et c'est s'obliger à user d'autres moyens, ceux qui permettent de contourner une majorité hostile aux parlements municipal, cantonal et fédéral ou aux gouvernements cantonal et fédéral. On sait le faire, et on le fera. Il nous reste d'ailleurs deux mois à être majoritaires au Conseil municipal et à pouvoir faire passer des projets exécutoires (des délibérations) en ne comptant que sur nos propres forces, comme disait un Grand Timonier frapadingue du siècle défunt.

Hors des institutions de la démocratie semi-directe, élues avec un tiers d'un corps électoral pesant la moitié de la population, il y a donc la démocratie directe (les référendums, les initiatives, les pétitions)... et l'imagination politique sans entrave : y soyez attentifs, l'Ouvroir de politique potentielle et le Collège de patapolitique et le Grand Dugong qui les inspire y pourvoiront, dès le 28 août prochain...


Commentaires

Articles les plus consultés