Election partielle au Conseil d'Etat genevois : Les Dix Petits Nègres
On connaît plusieurs spécialités genevoises que le monde mondial est prié d'envier à sa capitale mondiale : l'Escalade, le cardon épineux, la longeole... et quelques autres qu'on pardonnera au monde de ne pas nous envier: le MCG, Champ-Dollon, par exemple. Et il en est une qu'il convient désormais d'inclure dans cet inventaire ethnologico-folklorique : les élections partielles ou annulées. On aime voter, à Genève. Et on aime élire. Quand on élit dans le temps du calendrier institutionnel, on se débrouille pour élire de telle manière que l'élection sera annulée et qu'il faudra en programmer une nouvelle : ce sera le cas à Vernier, où il faudra à nouveau élire un Conseil municipal après l'annulation par la justice de son élection de ce printemps. Et quand on élit en dehors du calendrier institutionnel , on se retrouve avec des élections partielles, comme celle qui nous attend cet automne après la démission du Conseiller d'Etat Vert Antonio Hodgers. Avec pas moins de dix candidatures à reprendre son siège. Et c'est comme dans les "Dix Petits Nègres" d'Agatha Christie, on ne saura qu'à la fin qui survivra. Et qui était le Deus ex machina.
Ne jamais écarter d'emblée l'hypothèse de la connerie
On connaît donc les noms des dix candidats et candidates au premier tour de l'élection partielle au Conseil d'Etat. Dix candidates et candidats pour un seul siège, c'est un record. Mais il n'en faudra pas attendre que cela provoque une participation massive : l'élection aura lieu à l'automne, et donc la campagne se déroulera en grande partie pendant les vacances d'été. Ou juste après, quand on y pense encore. Et comme chacun sait, la pensée des vacances, c'est la vacance de la pensée.
Nous,
d'ici, on appelle à soutenir la candidature de Nicolas Walder.
Une candidature commune des Verts et du PS : cela s'appelle une alliance. Et cette alliance se fait
derrière la seule candidature capable de maintenir à gauche le
siège que libérera Antonio Hodgers -à moins que ce soit Antonio
Hodgers qui s'en libérera : Revenant dans
"Le Courrier" du 21 mai sur son parcours de Conseiller d'Etat
(vert) il assure : "jamais je n'ai
défendu ce à quoi je ne croyais pas", mais soupire : "J'ai dû me
taire, et pas qu'une fois". Ben t'aurais pas dû, la rupture de
collégialité n'est pas faite pour qu'on ne s'en serve pas. Même
si, comme disait Sartre (que cite Hodgers), "seuls ceux qui
n'ont rien fait ont les mains propres", ce qui reste d'ailleurs
à prouver. "Le Courrier" pose une bonne
question : "élire des personnalités de gauche au sein
d'exécutifs de droite est-il vraiment un levier efficace pour
faire progresser des causes, notamment écologistes ?", la
réponse est que la progression des causes ne relève pas que des
tâches des ministres et des magistrats, mais d'abord, des
militantes et des militants.
Reste que, puisqu'élection il y a, il faut bien s'y colleter. Ne serait-ce que pour ne pas laisser à la droite un espace gouvernemental encore plus grand -et plus à droite- que celui qu'elle occupe déjà, et que trois candidats de droite (ou de "non gauche") veulent élargir. Le candidat UDC Lionel Dugerdil voit dans l'élection partielle de cet automne un "troisième tour" de l'élection générale du Conseil d'Etat en 2023, où l'UDC avait servi de porteuse d'eau au PLR, mais n'en prêche pas moins pour une reconduction de la "grande alliance" de toute la droite (UDC, MCG, PLR, Centre) derrière un candidat unique. Si possible le sien. Dont Le Centre et les Verts libéraux ne veulent pas et présentent l'ancien Maire de Plan-les-Ouates Xavier Magnin. Enfin, le MCG lance un candidat inconnu au bataillon politique, un avocat, ancien footballeur, Maikl Gerzner. Qui dit vouloir faire "campagne pour gagner" contre l'unique candidat de la gauche, rassemblée derrière le Vert Nicolas Walder, mais n'en déclare pas moins souhaiter une résurrection de l'alliance de droite derrière une candidature unique (tout en affirmant que le MCG n'est pas de droite). De sorte que, comme il y a déjà une autre candidature de droite, celle de l'UDC Lionel Dugerdil, on se demande si le but réel du MCG ne serait pas, plutôt que de battre la gauche, d'emmerder l'UDC, avec qui elle se dispute l'électorat réactionnaire... On notera enfin deux absences dans la liste des prétendant.e.s à la succession d'Antonio Hodgers : celle du PLR, déjà servi par ses deux sièges au Conseil d'Etat, et qui plaide pour une candidature unique de la droite, et celle des maudétistes de LJS, qui ont d'autres chats verniolans à fouetter en ce moment, et ont plutôt intérêt à rester discrets.
En
fait, quatre candidats peuvent espérer figurer au second tour,
l'un d'entre eux, Nicolas Walder, étant quasiment assuré d'y
parvenir -si l'électorat socialiste et vert ne reste pas en
vacance. Pour Nicolas Walder, «il faut maintenir la
pression pour avancer sur la transition écologique, vitale en
tous points». Pour Rémy Pagani, "Il faut bloquer l’augmentation
des loyers, assurer la gratuité des crèches et juguler
définitivement la hausse des primes d’assurance-maladie par une
action déterminée du gouvernement». Pour Lionel Dugerdil, il
faut renforcer la «droite conservatrice, au service de
l’économie». Là, au moins, les fronts sont clairs, gauche contre
droite. Moins claire est la situation du centre et des Verts
libéraux : son candidat, Xavier Magnin, dit refuser "de laisser
le champ libre aux extrêmes". Confirmation du président du
Centre, Philippe Rochetin : il faut offrir "un vrai choix
entre les deux extrêmes que sont la gauche et l'UDC".
Nicolas Walder, extrémiste ? Et si l'UDC est "extrême", pourquoi
le Centre s'est-il allié avec elle (et au MCG) en 2023 ?
Aujourd'hui. Magnin annonce que s'il n'arrive pas premier ou
deuxième à la partielle de cet automne, il se retirera. Au
profit de qui ? De quel "extrémiste" ? Walder ou Dugerdil ?
Dilemme cornélien...
L'élection au Conseil d'Etat se joue à la majoritaire à deux tours, et il faudra que la gauche, divisée au premier tour (le concours de kizékikalaplugrosse n'est pas terminé) se rassemble et se mobilise pour le second tour, une élection au premier étant rendue quasiment impossible par la multiplicité des candidatures.Et Si on devait prendre un pari on parierait sur un deuxième tour opposant Nicolas Walder et Xavier Magnin -mais un pari, même pascalien, ne tient que de la probabilité. Il convient donc de ne jamais oublier ce principe énoncé naguère par Michel Rocard : face à ce dont on ne peut être certain, qu'il s'agisse d'expliquer un événement ou de le prédire, il convient de ne jamais écarter d'emblée l'hypothèse de la connerie.
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