Genève : dans trois jours, on élit la Commune
Le premier rempart...
Avant hier, 18 mars, on aurait pu -on aurait
dû- célébrer les 154 ans de la Commune de Paris. Dimanche on
élira les autorités de la Commune de Genève. Nous voilà donc
entre une célébration du passé et un choix pour l'avenir. La
célébration du passé, à gauche, et plus encore à la gauche de
la gauche, on aime beaucoup ça. Surtout quand il s'agit de
célébrer de glorieuses défaites : la Commune de Paris,
justement, mais aussi Cronstadt, l'Ukraine de Makhno, la
Catalogne de la CNT et de la FAI...On aime bien les
commémorations de nos défaites, à gauche. Il faut dire que
celles que nous venons de citer sont exemplaires. Mardi soir,
à Genève, on en était à une participation cantonale de 23,8 %.
A cinq jours des élections. On peut toujours espérer atteindre
40 % dimanche soir, ce dont on se satisferait alors que, tout
de même, cela signifie 60 % d'abstention... Pourtant, la
commune, avec ou sans majuscule, c'est bien plus qu'une
circonscription administrative : le "premier échelon de la
démocratie, comme on dit dans les discours de cantines, c'est
le premier rempart contre les abandons, les retours en
arrière, l'écrasement des plus faibles, l'ignorance des
urgences, le mépris des cultures... Tout ce qui aujourd'hui
suinte des discours de la droite.
Avec une Alternative majoritaire en Ville, c'est la Ville qui est une alternative...
Répondre aux urgences sociales et environnementales, aux besoins de la population, lutter contre les discriminations, défendre le rôle de Genève comme capitale des droits humains -même quand la Suisse l'ignore, soutenir toutes les formes de création et de représentation culturelle : c'était le programme de l'Alternative en général, et ce fut son action pendant les cinq ans de la "législature" municipale qui se terminera le 31 mai. Le bilan de la double majorité de gauche aux Conseils administratif et municipal de la Ville de Genève parle en effet pour elle :
- elle a lancé le processus d'"internalisation" de celles et ceux qui nettoient ses locaux, en les intégrant progressivement au personnel municipal, avec tous les droits que le statut de ce personnel accorde : celles et ceux qui travaillent pour la Ville seront employés par la Ville, c'est logique et, surtout, c'est juste;
- elle a également lancé le processus de municipalisation des structures d'accueil de la petite enfance : la Ville de Genève est aujourd'hui celle du canton qui couvre le mieux les demandes en places de crèche;
--elle a renforcé le soutien à la culture non institutionnelle, sans affaiblir celui, considérable, qu'elle accorde depuis plus d'un siècle aux institutions culturelles (Grand Théâtre, Orchestre de la Suisse romande, musées);
- elle a végétalisé et piétonnisé la Ville, requalifié l'espace public.
Elle n'a pas fait tout ce qu'elle voulait faire,
mais elle a fait tout ce qu'elle pouvait faire (et il a parfois
fallu qu'elle aille devant la Justice pour pouvoir le faire,
comme il en fut de la création d'allocations sociales
municipales, que le canton lui contestait le droit d'accorder).
Et ce qu'elle n'a pas fait, c'est ce que la structure
institutionnelle genevoise l'a empêché de faire : à Genève,
avant l'instauration du régime français en 1798, il n'y avait
pas de communes du tout -c'est ce régime qui les a imposées en
absorbant la petite république dans la grande. Et quand ce
régime a été aboli, le premier réflexe de la vieille oligarchie
revenue au pouvoir dans les fourgons des armées autrichiennes, a
été de supprimer la commune de Genève... et quand cette commune
fut rétablie (par une révolution), c'est d'une méfiance, d'une
crainte, d'une jalousie constantes dont la droite fait preuve
depuis 175 ans à l'égard de la Ville. Surtout, évidemment, quand
la Ville est à gauche et que le canton est à droite...
La majorité politique qui sévit au Conseil d'Etat et au Grand Conseil étant ce qu'elle est, et la droite municipale étant caporalisée par la droite cantonale (au point de rêver avec elle de faire purement et simplement disparaître la commune de Genève) la Ville a en outre du assumer le rôle de rempart face à la droite cantonale et ses commis municipaux.
Au fond, avec une Alternative majoritaire au
Conseil municipal et au Conseil administratif, c'est la Ville
elle-même qui est une alternative...
Ce rôle, elle n'est certes pas seule à pouvoir le
jouer : en dernier recours, c'est le peuple qui tranche -si la
commune est le premier rempart, le dernier rempart, c'est lui.
Et celui de la Ville tranche presque toujours en faveur des
positions de gauche, et fait souvent basculer le vote cantonal
dans le même sens, mais la présence dans cette commune là, la
commune centre, la Ville dans la ville, d'une majorité de gauche
est essentielle. La gauche de la gauche l'a d'ailleurs compris :
constitutive de la majorité de gauche, il lui fallait se donner
les moyens de rester dans le seul parlement du canton où elle
est encore présente. Etre au parlement, pour un parti ou une
coalition de groupes politiques, est-ce indispensable ? C'est la
question posée depuis des décennies à la "gauche de la gauche".
Et qui, concrètement, se résume en ceci : perdre une majorité
parlementaire, est-ce grave ou n'est-ce qu'une péripétie ? Les
parlements prennent des décisions : les législatifs votent des
lois, les délibératifs accordent des moyens. Les lois ont des
effets, les moyens peuvent être utilisés. Etre absents de ces
lieux, c'est renoncer à pouvoir peser sur ces effets, renoncer à
pouvoir disposer de ces moyens ou en faire disposer d'autres.
Peut-on laisser champ libre à nos adversaires pour mener une
politique que nous devrions alors combattre par d'autres moyens
que ceux que nous donnent les institutions politiques ? C'était
le dilemme de la gauche de la gauche, qui risquait d'être exclue
du parlement municipal si elle ne se réunissait pas sur une
seule liste pour franchir la barre du quorum. Elle s'en explique
le 3 décembre : "Forte du constat
d’une droite néolibérale toujours plus décomplexée au niveau
cantonal et fédéral, d’une montée du fascisme dans de nombreux
pays d’Europe, d’un contexte de guerres et militarisation et
d’aggravation de la crise climatique, la nécessité d’une
représentation de la Gauche radicale au Conseil municipal de
la Ville de Genève s’impose". Et compte bien plus que les
vieux règlements de compte, les vieilles rancunes, et même que
les plus récentes blessures.
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