1er Mai : pour en finir avec la "Fête du Travail"
Au travail, contre le travail !
Dans le jouissif calendrier pataphysique, le 1er mai est le 12 Palotin, et ce jour est celui de la réprobation du Travail. Dans le plus convenu calendrier officiel de nos démocraties, ce jour est celui de la Fête des travailleurs. A qui ont a finalement condescendu à ajouter les travailleuses, parce qu'on s'était aperçu qu'elles s'étaient massivement et depuis longtemps insérées dans le "monde du travail" -tout en persistant à considérer que le travail domestique, familial, de soins aux autres qu'elle assumaient massivement, n'était pas un "vrai" travail. Fête des travailleurs et des travailleuses et fête de leurs luttes et de leurs droit, donc. Y compris de leur lutte contre le travail ? Pas si vite. De leur lutte pour des meilleures conditions de travail, oui. De leur lutte pour une meilleure rétribution du travail, oui, encore. De leur lutte pour une réduction du temps de travail, oui, aussi. Mais contre le travail ? En France, le 1er mai a été instauré d'abord comme "Fête du Travail". Instauré par les travailleurs ? Par le Front Populaire ? Non : par le régime de Vichy. Et en Italie, par le fascisme. Et en Allemagne, par le nazisme. Et cela dit bien, non ce qu'il faut célébrer le 1er mai, mais ce dont il faut se défaire : le travail contraint. Et pour s'en défaire, toutes les luttes menées par les travailleuses et les travailleurs comptent : celles pour la réduction du temps de travail, celles pour le salaire minimum, celles pour l'égalité entre femmes et hommes au travail, celles pour les droits syndicaux, celles pour les droits des immigrants. Au travail, donc, contre le travail ! Bon Premier Mai, les gens !
Il y a le travail qui peut libérer et le travail dont on doit se libérerOn l'aura (espérons-le) compris : on ne célébrera pas, demain 1er mai, le travail, mais les luttes des travailleuses et des travailleurs pour s’émanciper de ce que l'ordre social en fait, et leur fait. Et le fait aujourd'hui dans un contexte d'offensive multiple des mouvements d’extrême droite, des ultra-riches et des cercles fondamentalistes religieux (interreligieux-même : toutes les religions en produisent) contre les acquis sociaux, politiques et culturels qui les gênent. Et ils les gênent tous : l'égalité des droits, les droits des travailleuses et des travailleurs, les droits sociaux, les droits des migrants, le droit d'asile, les droits des minorités. Et ce 1er mai, les manifestations qui auront lieu dans toute la Suisse* se feront sous le slogan « la solidarité plutôt que la haine ». Est-ce oublier qu'au coeur de ce jour de manifestations, de revendications, il y a le travail ? Non, au contraire. Mais il s'agit bien, ou devrait bien s'agir, du travail au vrai sens historique du terme : l’activité de transformation de la réalité donnée : le travail est ce qui transforme le monde, en transformant un peu du monde -du silex que l’on taille à la tour que l’on construit. Ainsi défini, le travail n'est pas l’esclavage ou le salariat –le tripalium, l’activité contrainte, la mise des uns au travail par les autres pour leur profit ou leur subsistance. Ainsi y-a-t-il le travail qui peut libérer et le travail dont on doit se libérer, cette « étrange folie » diagnostiquée par Paul Lafargue. Ce par quoi dans le travail, aujourd’hui et dans le capitalisme socialisé, le travailleur est exproprié de lui-même n’est pas la captation du produit du travail, mais la captation du temps passé au travail, c’est-à-dire le salariat. C’est par le salaire que le travailleur est exploité, par le salaire que la force et le temps qu’il vend lui sont achetés, par le salaire que cette vente aboutit à la vente du travailleur lui-même par lui-même, en tant que travailleur. La condition de l’existence est en même temps la cause du vide de l’existence, les raisons de vivre sont ôtées par l’octroi des moyens de vivre.
Pour que le travail, sous le capitalisme, nourrisse d’abord le capitalisme, il faut bien que le travailleur soit dépossédé de la maîtrise de son travail. Le capitalisme est expropriateur : il exproprie les travailleurs de leur savoir-faire, de leurs compétences, de leurs expériences, du temps de leur vie. Il ne peut pas ne pas les en exproprier, parcelliser leurs tâches, fragmenter leurs connaissances. Avant de produire la marchandise, il faut produire l’amnésie du producteur. Pour, finalement, parfaire la déshumanisation du producteur en le remplaçant par un robot ou un logarithme: « Toute main d’œuvre, dès lors qu’elle est mise en concurrence avec un esclave (…) humain ou mécanique, doit accepter les conditions de l’esclave », résume le cybernéticien Norbert Wiener… Nous n’en sommes pas encore là ? Soit. Mais nous y venons.Retrouver le sens de la critique du travail, c’est aller plus loin dans la critique de l’ordre social que là où s’arrêtèrent Fourier, Marx, Proudhon, dénonçant les modalités du travail, les conditions faites au travailleur, mais non le travail lui-même. Si notre critique du travail n’est pas celle, aristocratique, qui prévalait pour ceux qui, dans la cité antique ou l’Europe médiévale forçaient esclaves ou serfs à travailler pour qu’eux-mêmes puissent se consacrer aux affaires publiques, à la guerre, à la prière, à l'orgie ou à la création culturelle, c’est que notre critique est fondée sur la volonté d’accorder à toutes et tous le droit que quelques-uns seulement s’étaient arrogés, sur le dos courbé d’une masse laborieuse les nourrissant. Que le grand nombre travaille pour nourrir le petit nombre est révoltant ; que nul ne travaille plus que pour lui-même, son plaisir et ses convictions, telle devrait être notre exigence. Et cette exigence est d’autant plus légitime que la robotisation réduit la masse de travail humain nécessaire, même à la production de la machinerie productive…
Quand des robots fabriquent les robots qui travaillent à la place des travailleurs, le temps vient pour le travailleur de travailler pour sa propre liberté, et non plus pour sa survie : tant que le travail sera aliéné et aliénant, le travailleur n’aura de ressource pour s’en libérer que celle de travailler contre le travail.
*A Genève, les rendez-vous
sont les suivants :
• 11:00 à la
Pierre du 9 novembre, pour les prises de paroles du PCR et
de la CUP.
• 13:00 à la
Place Lise Girardin pour le début du cortège (départ 13:30)
• 15:30 aux
Bastions pour la suite des discours.
• 16:30 aux
Bastions pour le festival « Avanti » de l’AFA.
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