Fonds de tiroir
«Justice sociale», «LGBT", «accessibilité», «diversité», «minorités», «racisme», «socioculturel», «assigné homme à la naissance», «féminin», «femme», «sexe», «victime», «activisme», «handicap», «politique»... qu'ont en commun ces mots, ces expressions, cet acronyme ? D'être sur la liste trumpiste de ceux qu'on ne doit plus utiliser dans des textes et des messages officiels, révélés la semaine dernière par le «New-York Times». Alors, comme on est à Genève à la fin d'une campagne électorale, on a demandé à une Intelligence Artificielle de nous pondre la profession de foi d'un.e candidat.e en utilisant tous les mots proscrits en Trumpland, et on l'a demandé à DeepSeek, qui doit s'y connaître en élections démocratiques, vu qu'elle est chinoise. Et en deux secondes, elle nous a pondu ça (un vrai programme révolutionnaire pour la Chine, soit dit en passant -au large):
«Citoyennes et citoyens,Je me présente devant vous avec une conviction profonde : celle de bâtir une société plus juste, inclusive et solidaire. Mon engagement s’enracine dans les valeurs de justice sociale, car chaque individu mérite une égalité réelle des chances, quelles que soient ses origines, son sexe, son orientation sexuelle ou ses capacités.
Je m’engage à lutter contre toutes les formes de discrimination, qu’elles soient liées au ra-cisme, au handicap ou à l’identité de genre. Je défendrai les droits des minorités, y compris les personnes LGBT, et je veillerai à ce que les personnes assignées homme à la naissance mais s’identifiant au féminin soient pleinement reconnues et respectées en tant que femmes.
L’accessibilité sera au cœur de mon action politique. Je mènerai un combat sans relâche pour que chaque espace public, chaque service, chaque opportunité soit ouvert à tous, sans exclusion. La diversité est une richesse, et je m’engage à promouvoir un dialogue socioculturel qui célèbre nos différences tout en renforçant notre unité.
Je serai la voix des victimes de discriminations et d’injustices, et je porterai leur combat avec détermination. Mon activisme est guidé par une volonté de transformer les systèmes qui perpétuent les inégalités.
Ensemble, nous pouvons construire une société où chacun a sa place, où la politique est un outil de progrès et d’émancipation. Votez pour un avenir inclusif, juste et solidaire.
Avec vous, pour vous.»
Bon, ben voilà, on n'a plus besoin de penser par soi-même... Y'a plus qu'à ce qu' un.e candidat.e à l'élection de l'Assemblée populaire chinoise se présente avec cette profession de foi et à voir si cette profession de foi la fait élire ou l'envoie dans un camp de rééducation par le travail dans le désert de Gobi...
Umberto Eco, à propos du fascisme et de la nécessité de bien le connaître pour bien le combattre : «Ce serait tellement plus confortable si quelqu'un s'avançait sur la scène du monde pour dire "je veux rouvrir Auschwitz, je veux que les chemises brunes noires reviennent parader dans les rues italiennes". Hélas, la vie n'est pas aussi simple». Sauf sans doute à Payerne : aux Brandons, une sorte de carnaval local qui s'est déroulé début mars, des tags racistes, antisémites et sexistes ont fleuri sur des devantures de magasins. Un commerce tenu depuis des généra-tions par une famille d'origine juive a ainsi été gratifié du slogan «Liquidation finale, solde de 39 à 45 %». Désopilant, dans un bled où le 16 avril 1942 un marchand de bétail juif, Arthur Bloch, a été massacré, tué dans une grange, découpé en morceaux placé des boilles à lait jetées dans le lac de Neuchâtel par des nazillons locaux chauffés par un pasteur admirateur d'Hitler. Jacques Chessex en a fait un livre, la télé en a fait un «Temps Présent», un film en a été tiré, et rappeler l'épisode a fâché les auto-rités et Payernois et noises parce qu'il donne de leur si riante bourgade une image aussi détestable. Et toujours d'actualité : Aucun lieu de soutenir n'a été dédié à Arthur Bloch. A part le tag antisémite sur la vitrine du commerçant juif. C'est le problème avec la connerie : elle peut être plus durable que l'intelligence.
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