Genève : On votera sur l'achat par la Ville de la Campagne Masset

Dilatoire

Le 27 janvier, les référendaires (toute la droite, sauf le MCG) contre l'achat par la Ville de Genève de la campagne Masset  avaient déposé 3158 signatures non vérifiées pour soumettre l'achat de cette propriété par la Ville au vote populaire (municipal). Il leur fallait 2400 signatures valables pour que cette demande de référendum aboutisse, la vérification des signatures en a validé 2410 sur les 2854 vérifiées (ce qui fait tout de même un "déchet" de 15 %...). On votera donc, entre septembre prochain et mars 2026, sur le crédit de 21,5 millions accepté par le Conseil municipal (c'est-à-dire par la gauche et le MCG). Sans savoir si la maison de maître du XVIIIe siècle et son parc seront encore en vente. Ni si, pour empêcher qu'elle le soit, la Ville saura faire usage de son droit de préemption, sur proposition du Conseil administratif ou du Conseil municipal. Les habitantes et les habitants du quartier attendront donc pour savoir s'ils pourront arpenter les allées du parc. C'était sans doute, outre un petit calcul électoral, le but du référendum : faire perdre du temps. Ou comment faire d'un droit démocratique une pratique dilatoire.


Un petit peu de ville rendue aux habitants de la Ville ? C'est encore trop, pour la droite municipale

La droite municipale genevoise, à l'exception du MCG (favorable à l'achat du domaine) a donc réussi son coup. Difficilement, mais le résultat est là : il faudra attendre un vote populaire pour savoir si la Campagne Masset reviendra à la Ville de Genève, à une ambassade, une multinationale, un oligarque russe, un trader en matières premières, une vedette médiatique, un potentat en fuite ou un fonds souverain du Golfe. Elle ne semble pourtant pas susciter un grand intérêt hors de celui de la Ville et est toujours en vente, sans indication de prix. Le propriétaire de la Campagne, le dessinateur Zep,  avait accepté de la vendre pour 21,5 millions à la Ville de Genève , le Conseil municipal avait accepté cette proposition, le référendum renvoie la décision au corps électoral municipal.  Certes, le Conseil municipal ou le Conseil administratif peuvent faire jouer le droit de préemption de la commune en arguant de raisons patrimoniales (la maison de maître est classée), mais l'exercice de ce droit est lui-même soumis à référendum, et peut-être l'objet de recours.

Quels seront alors les termes du débat ? L'enjeu financier ?  Le PLR agite les "répercussions financières pour les contribuables" de cet achat  mais il n'y en a aucune, il est totalement financé par le budget des investissements qui est près de neuf fois supérieur au prix accepté par la Ville (21,5 millions de francs), jugé tout à fait correct, voire même inférieur à la valeur d'un bien comme celui-là sur le marché... A Cologny, municipalité tenue par la droite, une parcelle bien plus petite (2 hectares) que la Campagne Masset (3,5 hectares) a été achetée par la commune en 2014 presque trois fois plus cher (61,8 millions) que ce que la Ville de Genève est d'accord de payer pour la Campagne Masset (21,5 millions). 

La Ville de Genève a tout à fait les moyens d’acquérir et d’entretenir un tel lieu pour le mettre à disposition de ses habitant·es. Si, par le passé, on avait laissé filer de telles opportunités, il n’y aurait, par exemple, ni parc des Eaux-Vives, ni parc des Franchises. Ni, à Cologny, la crèche, le bâtiment pour le parascolaire, le restaurant scolaire qui seront installés dans le bâtiment acheté par la commune... Acquérir la Campagne Masset  est un investissement qui porterait ses fruits: ce sont des centaines de milliers d’habitant·es sur plusieurs générations qui en profiteraient. Le domaine peut devenir un parc public, un espace de biodiversité, une promenade, un prolongement naturel de la résidence pour personnes âgées voisine, du Cycle d’Orientation et des écoles primaires, des crèches et des jardins d’enfants des environs. Son ouverture au public lui offrirait un accès piéton facilité Rhône sen contrebas. La maison de maître, elle, peut contribuer à répondre aux besoins croissants d'une population croissante. Et les deux, le parc et la maison,   contribueraient à rendre le quartier plus dynamique et attractif en encourageant le développement  de petits commerces, boulangeries et autres bistrots…

Un petit peu de ville rendue aux habitants de la Ville ? C'est encore trop, pour la droite municipale. Trop d'espace pour la plèbe. Trop de possibilités d'installer des services publics. Trop de maîtrise par la Ville de son propre espace. Il lui convenait donc que l'on fasse perdre du temps, le plus de temps possible. Jusqu'à ce que plus personne ne puisse décider de rien... sinon sa Majesté le Marché.

Commentaires

Articles les plus consultés