Politique des transports : que peut la commune ?
Agir en amont des flux
On n'aura finalement assez peu parlé de politique
des transports dans la campagne électorale municipale genevoise.
On en a en tout cas moins parlé que de culture, comme si elle
n'était pas de la compétence de la commune, qu'elle n'était que
de celle du canton, que la commune ne pouvait qu'agir dans les
détails et les marges, après en avoir poliment demandé
l'autorisation au bailli cantonal. Pas de la compétence
municipale, la politique des transports ? Foutaise ! Certes, à
Genève, les communes ne maîtrisent pas politiquement la
circulation sur leur propre territoire mais elles peuvent agir
en amont de la gestion de cette circulation. Agir sur les flux
avant même qu'ils naissent. La commune a peu de compétences sur
la politique des transports, mais le peu qu'elle a n'est pas
négligeable. Et en user est donc l'un des enjeux d'élections
comme celles dont les résultats finaux tomberont après-demain,
quand le tiers du corps électoral aura usé de son droit d'élire
sa Municipalité.
La politique des transports, c'est aussi les transports de la politique politicienne...
A Genève, le débat sur la politique des transports
se structure en fonction du clivage gauche-droite, et y font
donc encore débat des questions (la place à donner au vélo en la
prenant à la voiture, la piétonisation, la priorité aux
transports publics) qui ne le font plus depuis un quart de
siècle en Alémanie. La droite genevoise s'oppose
systématiquement à toute entrave au trafic individuel motorisé,
alors que la droite zurichoise, bâloise ou bernoise (du moins
dans les villes) a admis que de telles entraves étaient
indispensables au développement de la mobilité "douce", lui-même
indispensable à la qualité de vie en ville (et au-delà). Or la
population genevoise elle-même ne fait plus de la défense de la
voiture individuelle une priorité, sinon pour les 15 %
d'automobilistes contraints, par leurs horaires, leurs
activités, leurs lieux de vie et de travail, leur état physique
-en fait,la défense de la liberté absolue de se déplacer en
bagnole est devenu un combat d'arrière-garde : "de l'incarnation
de la liberté, la voiture est devenue une obligation
encombrante. C'est cher et cela fait perdre du temps", résume
Vincent Kaufmann.
"A Genève, l'omniprésence des transports individuels motorisés empêche un usage optimal de l'espace public et impacte fortement l'empreinte carbone", écrit le Conseil administratif de la Ville dans sa "stratégie climat". Rappelant que la mobilité pèse pour plus du quart (27 %) des émissions de gaz à effet de serre à Genève, il résume : le "modèle de mobilité basé sur le "tout voiture" génère non seulement un volume important d'émissions de gaz à effet de serre (GES) mais aussi une détérioration de la qualité de l'air et une augmentation des nuisances sonores impactant ainsi la qualité de vie et la santé de la population". Il s'engage donc à avoir d'ici 2030 la moitié de sa flotte des véhicules de l’administration "en électrique", à soutenir (mais comment ?) "une offre de transports publics efficace, flexible, axée sur les besoins pour encourager l'abandon de la voiture", à renforcer les "solutions de mobilité complémentaires, notamment l'auto-partage", à développer et mettre en réseau les zones piétonnes et à sécuriser les déplacements à pied, à convertir des places de parking en espaces verts, piétonniers et/ou cyclistes, à "valoriser des pratiques de mobilité active comme le vélo et la marche", précisément en améliorant le réseau cyclables et piétonnier. En Ville de Genève, en 2015, 55 % des kilomètres parcourus par les habitantes et habitants l'étaient en transports collectifs, à pied ou à vélo, et la Municipalité vise à faire passer cette part à plus de 76 % en 2030. C'est possible -mais il va falloir s'en donner les moyens et en donner aux communes les compétences légales -et là, ce ne sont pas seulement le TCS, l'ACS et les bagnolards du MCG, de l'UDC et du PLR qu'on aura en face de nous... mais le canton... et même s'il n'était pas en face de nous mais à nos côtés, au-dessus de lui, il y aura encore la Confédération.
Et le parlement fédéral étant à large majorité de droite alors que la majorité des villes sont à majorité de gauche, on s'explique facilement la tendance du premier à réduire au maximum l'autonomie de décision des secondes, surtout quand leurs décisions pourraient contrecarrer l'obsession de la priorité au trafic individuel motorisé sur toutes les autres formes de mobilité... La politique des transports, c'est aussi les transports de la politique politicienne...
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