Quels "trésors" de Gaza sauver ?

 

Des objets et des gens

Depuis 2007, le Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) est devenu le musée-refuge d’une collection archéologique de près de 529 œuvres appartenant à l’Autorité nationale palestinienne et qui n’ont jamais pu retourner à Gaza : ces amphores, statuettes, stèles funéraires, lampes à huile, figurines, mosaïque..., datant de l’âge du bronze à l’époque ottomane, forment un ensemble devenu une référence au vu des destructions récentes. Avec l’aide du MAH et le soutien de l’Autorité nationale palestinienne, l’Institut du Monde Arabe expose à Paris une sélection de 130 chefs-d’œuvre de cet ensemble, qui témoignent du prestigieux passé de l’enclave palestinienne, reflet d’une histoire ininterrompue depuis l’âge du bronze.  Cette exposition "Trésors sauvés de Gaza" donne à voir des objets dont la plupart ont été exposés à Genève, au Musée Rath, il y a quelques années. Ils avaient ensuite été exposés une première fois à Paris, et auraient dû revenir à Gaza. Là d'où ils venaient. Là où ils racontent l'histoire d'une des plus anciennes villes d'une région où se situent des villes parmi les plus anciennes du monde -et il y en a aussi en Cisjordanie. Ces objets avaient dû rester à Genève. Parce qu'il n'était pas possible de les faire revenir à Gaza. S'ils y étaient revenus, ils se retrouvaient aujourd'hui en miettes dans le champ de ruines et la fosse commune qu'est devenue Gaza.Il y a encore des trésors à sauver à Gaza : des objets, mais surtout des gens.

Mit a liguen geyt men vayt, ober on hofenung aoïf tsurikker

Hier soir, une motion proposée par Ensemble à Gauche et soutenue par le PS et les Verts a été acceptée par le Conseil municipal de Genève, dans un vote gauche contre droite qui n'avait pas lieu d'être, mais que la droite a imposé en refusant de voter un texte qui ne demandait à la Ville que de faire ce qu'elle peut et qu'elle sait faire, soutenir "une action immédiate et concrète en faveur des populations civiles" , et de dire ce qu'elle a à dire, parce qu'elle a donné son nom aux conventions qui fondent le droit international humanitaire. La droite ("Centre" compris) s'est enferrée dans de fumeux prétextes pour ne pas voter la motion, sans oser voter contre. Alors, elle s'est abstenue (sauf l'extrême-droite, qui a majoritairement voté contre). Parce que pour elle, il y a les bons morts (ceux du pogrom du 7 octobre) et les mauvais morts (ceux des ratonnades de Cisjordanie et de la destruction de gaza.

Genève a fait, avec les trésors archéologiques de Gaza, ce qu'elle pouvait faire et savait faire : les protéger. Les mettre à l'abri. Elle l'avait déjà fait avec les collections du Musée du Prado de Madrid, pendant la guerre d'Espagne : ils avaient été évacués et gardés au Musée d'Art et d'Histoire pour les protéger des bombardements franquistes. Il y a encore à Gaza des trésors archéologiques à protéger. Mais il y a surtout à Gaza des femmes, des hommes, des enfants à protéger. Et leurs vies à défendre. Depuis le pogrom du 7 octobre, 50'000 personnes ont été tuées dans l'offensive vengeresse d'Israël contre Gaza. Pas contre le Hamas, coupable du Pogrom, mais contre Gaza. Coupable d'être une ville palestinienne. Est-ce que ces 50'000 morts de Gaza effacent les 1200 morts du pogrom ? Non : les morts de Gaza n'effacent pas les morts du 7 octobre, ils et elles s'y ajoutent.

Cette addition des morts, nous la refusons. Et si Genève a été capable de sauver des trésors archéologiques, elle doit l'être aussi de contribuer à sauver des trésors humains. A reconstruire les hôpitaux détruits, les écoles détruites, les lieux de culte détruits, les vies détruites. Et, mais cela ce n'est pas la motion qui le demande, parce que c'est à nous, citoyennes et citoyens de le faire, à soutenir, en Israèël, les centaines de milliers de personnes, dont des milliers de réservistes de l'armée, qui exigent la fin d'une guerre dont tout le monde désormais sait, ou devrait savoir qu'elle n'a plus qu'un seul objectif : permettre au Premier ministre israélien de rester au pouvoir avec sa coalition d'extrême-droite et d'échapper à la justice.

Comme le dit le proverbe yiddish : mit a liguen geyt men vayt, ober on hofenung aoïf tsurikker*

*Avec un mensonge on va loin, mais sans espoir de retour.




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