Gaza, Cisjordanie : de l'épuration ethnique à l'extermination ?
Vider la Palestine des Palestiniens
Depuis le début de l'offensive israélienne à Gaza,
d'entre les plus de 52'000 morts (dont au moins 15'600 enfants)
palestiniens qu'elle porte à son bilan, 1400 médecins, infirmiers et
infirmières, aide-soignants et aide-soignantes ont été tué.e.s. Le 28
février, 44 % des hôpitaux avaient déjà cessé de fonctionner, 70 % de
ceux qui restaient ne bénéficiaient plus d'un approvisionnement
suffisant en eau, 58 % des dispensaires de soins avaient cessé leurs
activités. "Les hôpitaux ravagés ne sont pas seulement le fait des
bombardements mais aussi la cible d'une destruction systématique, salle
par salle", dénonce le médecin Juliette Mattisjen de "People's Health
Movement". "A Gaza, c'est l'enfer absolu" a résumé le directeur général
du CICR". Le blocus israélien engendre pénurie de vivres (au moins 57
enfants sont morts de faim depuis mars), d'eau potable, de médicaments,
de carburant. Le gouvernement israélien cherche bien à éliminer le
peuple de Gaza. Et il n'y a pas qu'à Gaza qu'il sévit, Netanyahou
et ses alliés d'extrême-droite menant aussi cette guerre, avec ces
moyens, pour rester au pouvoir et éviter de se retrouver devant un
tribunal. Il est "justifié et moral" d'affamer la population
palestinienne de Cisjordanie (sans parler de celle de Gaza), a
fièrement proclamé le ministre israélien des Finances,
l'extrême-droitier Bezalel Smotric. Qui a annoncé le "nettoyage"
de Gaza. Et souhaite aussi le "nettoyage" de la Cisjordanie. Le
ministre de la Défense ne dit pas autre chose quand il admet que
l'"obstruction de l'aide humanitaire" est un "moyen d'accomplir
l'objectif militaire". Et le ministre de l'Agriculture Avi Dichter
confirme : "nous sommes en train de déclencher la Nakba de Gaza". Le
massacre, en effet, n'a qu'un but : vider la Palestine des Palestiniens
arabes.
"Conformément à sa pratique, le DFAE ne répond pas"
"Le Temps" de samedi pose une bonne question, dans
l'édito de Madeleine von Holzen : l'offensive israélienne à Gaza
participe-t-elle d'une "dynamique d'anéantissement de la question
palestinienne" ou d'extermination des Palestiniens ? Sans doute de
l'illusion de pouvoir régler la question palestinienne en chassant les
Palestiniens de Palestine. Mais l'édito affirme, justement, qu'en
Palestine ou ailleurs, "les Palestiniens existeront toujours". Et
continueront de poser la "question palestinienne", et d'exiger leur
droit au retour. Autant dire que quel que soit l'objectif de cette
bataille sanglante, il restera inatteignable. Sauf à ce qu'il soit
génocidaire. Qu'il soit la "solution finale du problème palestinien".
Dans la diaspora juive d'Europe, mais aussi d'Amérique
du nord, on supporte de moins en moins ce que la rabbine française
Delphine Horvilleur dénonce comme la "déroute politique" et la "faillite
morale" de l'Etat d'Israël, conduit par ceux qu'Alain Finkelkraut
désigne comme de "répugnants fanatiques qui mènent Israël à sa perte".
Pour Jean-Christophe Attias et Esther Benbassa, "se taire devant le
massacre des Palestiniens, c'est trahir le judaïsme" (on lira leur
contribution au "Monde" sur
https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/05/15/c-est-au-nom-de-ces-valeurs-juives-qui-rencontrent-si-souvent-les-valeurs-universelles-qu-il-faut-denoncer-les-souffrances-des-palestiniens-et-y-porter-remede_6606244_3232.html).
En Suisse, le rabbin Ruven Bar Ephraim, de la
communauté juive
libérale Or Chadasch à Zurich, accuse Benjamin Netanyahu
d’instrumentaliser le massacre du 7 octobre pour son propre maintien au
pouvoir et appelle le monde à cesser de se contenter de condamnations
symboliques: «Il faut sérieusement envisager des sanctions économiques
contre Israël. L'offensive bafoue les droits humains». En Israël même,
le chef de l'opposition travailliste n'a pas dit autre chose : "Un pays
sain d'esprit ne se bat pas contre des civils, ne tue pas des enfants
comme passe-temps et ne se donne pas pour objectif d'expulser des
populations". Et d'ajouter que le gouvernement actuel d'Israël, "rempli
de personnes vengeresses sans morale ni compétence (...) met en péril
notre existence". Et l'historien Adam Raz témoigne : "je me lève tous
les matins dans la honte des actes et des paroles de ce gouvernement
fasciste".
Et la Suisse officielle, elle dit quoi ? Elle fait
quoi ? Les villes de Genève et Lausanne lui demandent un engagement
fort, pour une aide humanitaire sans entrave et un cessez-le-feu
immédiat : "après des mois de prises de position contradictoires et de
silence au sujet de l'offensive militaire israélienne, il est temps que
le Conseil fédéral porte enfin une voix forte et claire sur le sujet,
respectueuse de l'histoire de notre pays et de sa tradition
humanitaire". La porte-t-elle, cette voix, la Suisse officielle ? Non.
Certes, pour la Suisse, Israël en fait trop, tape trop fort, tue trop de
monde, ne respecte pas le droit de la guerre, ni le droit humanitaire.
C'est pas bien. Mais surtout, ça se voit. Si ça ne voyait pas, ce serait
mieux pour la Suisse. Mais ça se voit. Et ça la gêne, la Suisse, que ça
se voie. Un crime de guerre qui se voit, un viol du droit humanitaire
qui est ouvertement assumé par l'Etat qui le commet*, ça devrait obliger
l'Etat dépositaire des Conventions de Genève à les dénoncer. Mais la
Suisse ne parle pas de crime de guerre. Elle ne parle que sur le ton de
la déploration. Elle parle pour ne rien dire qui l'engagerait. Et
surtout pour ne rien faire qui la gênerait. Et quand les Conseillers
genevois aux Etats Mauro Poggia (MCG) et Carlo Sommaruga (PS) haussent
le ton, elle fait le dos rond : "Israël affame et extermine les
populations civiles à Gaza et la Suisse s'inquiète. Notre ministre des
Affaires étrangères est devenu ministre étranger aux affaires", dénonce
Poggia, qui précise qu'il ne met pas en cause Israël dans son entier
mais son gouvernement -la distinction, en effet, s'impose, comme celle
entre l'Etat d'Israël et le peuple juif. Carlo Sommaruga, lui, considère
que "pire que le silence du Conseiller fédéral Ignazio Cassis, c'est
son choix de devenir le collabo des plus ignobles comportements d'Israël
qui fait honte à la Suisse". Et le Collectif jurassien pour la paix à
Gaza a porté plainte contre trois conseillers fédéraux (Keller-Sutter,
Cassis et Parmelin) et une ancienne Conseillère fédérale (Amherd) pour
complicité de crimes contre l'humanité, crimes de guerre, et demande une
enquête sur les relations économiques, militaires et diplomatiques de
la Suisse avec Israël.
Réponse du Département fédéral des Affaires étrangères aux deux sénateurs: "Conformément à sa pratique, le DFAE ne répond pas à des accusations faites sur la place publique". Ni à la dénonciation par de massacres commis au vu et au su de tout le monde. Ni aux violences des colons de Cisjordanie.
Ce n'est pas le silence des agneaux, c'est le silence des moutons.
*"Le Temps" a produit dans son édition du 17 mai un
"décryptage systématique" des violations du droit international
humanitaire par Israël à Gaza :
https://www.letemps.ch/monde/moyenorient/comment-israel-viole-les-conventions-de-geneve-a-gaza
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