Impôt communal : la droite genevoise invente le contrepour-projet
Faux nez fiscal
Dans dix jours, à Genève, on votera sur l'initiative de l'UDC, soutenue par les syndicats patronaux, proposant de supprimer la part de l'impôt communal affectée à la commune de travail pour affecter la totalité de cet impôt à la commune de domicile, histoire de permettre aux parcs à bourges de la rive-gauche de baisser encore leur taux d'impôt communal (les centimes additionnels), et de priver les villes, ces "parasites de gauche" de 50 à 70 millions pour la seule Ville de Genève et de dizaines de millions de recettes pour les autres villes du canton. Le Conseil d'Etat et la majorité du Grand Conseil appellent à refuser l'initiative, mais .la majorité de droite du Grand Conseil a bricolé, à une voix de majorité, un contre-projet qui en reprend la proposition essentielle : la suppression, précisément, de l'imposition des personnes physiques au lieu de travail (sauf pour l'imposition à la source). La droite genevoise a ainsi inventé le contrepour-projet, consistant à faire mine de refuser une initiative puis proposer la même chose que ce qu'elle propose. Refuser une initiative puis proposer la même chose que ce qu'elle propose, ça rime à quoi ? Ou plutôt, ça révèle quoi ?Un faux-nez politique et fiscal, qu'on refusera du même mouvement qu'on refusera l'initiative.La "polophobie", ça se soigne. Par le bulletin de vote.
A Genève, l'impôt communal (les centimes additionnels), fixé en proportion de l'impôt cantonal) est actuellement réparti entre la commune de domicile à raison d'au moins 20 % (pour les communes économiquement fortes) et au plus 80 % (pour les communes économiquement faibles) et la commune de travail. L'initiative, et le contrepour-projet de la droite parlementaire, veulent supprimer la part de l'impôt communal allant à la commune de travail. Le système que la droite veut abolir n'est pas si complexe qu'elle le présente, et n'a en tout cas rien d'opaque (chaque avis de taxation présente la répartition des impôts entre la commune de travail et la commune de résidence, et les comptes des communes en rendent précisément compte). Il est en outre cohérent (chaque contribuable paie pour les infrastructures qu'il utilise, dans la commune où il habite et dans la commune où il travaille), et juste, puisqu'il permet aux communes qui abritent peu d'emplois par rapport à leur population de réduire leur fragilité financière. Il n'est en outre pas moins démocratique que celui qui consisterait à affecter la totalité de l'impôt communal à la commune de domicile en proclamant fièrement que la démocratie, ça consiste à pouvoir voter là où on paie ses impôts : les frontaliers paient leurs impôts à Genève (qui n'en rétrocède qu'une partie à la France), mais n'y votent pas, et les étrangers qui résident et travaillent à Genève ne disposent pas du droit de vote cantonal...
Sans doute le contre-projet ajoute-t-il à son soutien à l'abolition de l'imposition au lieu de travail le principe d'une péréquation financière intercommunale visant à réduire les disparités financières entre commune, mais il n'évoque précisément qu'un principe, dont la concrétisation prendra des années (et sera soumise à référendum, au moins facultatif). A la question subsidiaire (si l'initiative et le contre-projet obtiennent tous deux une majorité, lequel ou laquelle préférez vous ?), on répondra, en se bouchant le nez, qu'on préfère le moindre mal, c'est-à-dire le contre-projet. Qui nous laisse quelques années, et un droit de référendum utilisable pour le rendre inopérant -et donc maintenir un système qui nous convient parfaitement, parce qu'il prend en compte la réalité genevoise : celle d'un canton où une seule commune (Genève) concentre la majorité des emplois, la majorité des employeurs, la majorité des infrastructures culturelles et 40 % de la population du canton, et où les villes offrent à la population de tout le canton (et au-delà), et donc de toutes les communes de la Grande Genève transcantonale et transfrontalière, toutes les infrastructures culturelles, sportives, médicales et sociales dont cette population a besoin et que les villes seules offrent.
Au vrai, ce à quoi on assiste, tant par l'initiative que par le contrepour-projet, c'est à une bouffée de ce qu'on pourrait qualifier de "polophobie", de peur des villes se traduisant par une attaque contre les villes-centre (les villes historiques) et les « villes de gauche parasites » que déteste l’UDC. Et puis, pour la droite cantonale (et ses porte-valises communes), il s'agit aussi de se livrer à un exercice obsessionnel : s'en prendre à la Ville de Genève, et à ses finances. Surtout depuis qu'elle une Commune de gauche, que c'est elle qui a les moyens les plus importants, et qu'elle a le fort mauvais goût de les utiliser pour financer tout ce que la droite cantonale (et municipale) abhorre : une politique sociale autonome, soutenant sa population la plus modeste, la municipalisation des crèches, l'internalisation du personnel de nettoyage des locaux municipaux, le soutien aux lieux et aux acteurs culturels...
La "polophobie", ça se soigne. Par le bulletin de vote.
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