Impôt municipaux, initiative UDC et contre-projet de droite : Deux fois NON

 

Dimanche, à Genève, le sort du partage de l'impôt municipal entre la commune de résidence et la commune de travail sera scellé. Et il est trop tard pour voter par correspondance, il ne vous reste donc plus qu'à vous rendre à votre local de vote dimanche matin, de dix heures à midi pour, si vous résidez à Cologny, Anières ou Vandoeuvres  voter pour que vos impôts ne servent plus à financer les infrastructures de la Ville de Genève que vous utilisez tous les jours. Ou si vous résidez à Vernier, Lancy, Meyrin (ou Genève) pour éviter de voir vos impôts municipaux grimper en flèche (ou les prestations de la commune se réduire ou être surtaxées) pour compenser la perte de la part des impôts municipaux affectée à la commune de travail. L'UDC est le seul parti à soutenir sa propre initiative (que soutiennent aussi les syndicats patronaux). Même le MCG l'a lâché. Le PLR, le Centre, les Verts libéraux ne soutiennent que le contre-projet (il est vrai qu'il va dans la même direction que l'initiative). Le PS, les Verts, la gauche de la gauche et les syndicats refusent à la fois l'initiative et le contre-projet (qui ne vaut pas mieux)... comme LJS et le MCG. Et comme nous.

"Payer ses impôts là où on vote" à droite...

En 2021, l'UDC suisse prenait les villes pour cible, les accusant de vivre "aux crochets" du pays. L'initiative de l'UDC sur l'impôt communal à Genève est dans la même ligne (droite) : faire payer les villes pour les infrastructures utilisées par les résidents des parcs à bourges.  Instigateur d'une proposition d'absorption de la Ville par le canton (comme ce fut le cas en 1815, jusqu'à ce qu'une révolution la rétablisse), le député UDC Yves Nidegger affirmait (dans GHI, autant dire qu'il parlait à une oreille complaisante) qu'avec "sa trop grande taille", la Ville "écrase les autres communes, dont certaines comptent des dizaines de milliers d'habitants". La "trop grande taille" de la Ville de Genève, vraiment ? avec un peu plus de 200'000 habitants dans la commune, elle est trois fois moins peuplée que Lyon ou Marseille, moins peuplée que Grenoble, à peine plus peuplée que certains arrondissements de Paris, moins peuplée que le XVe... quand à sa superficie, elle est minimale, étant celle de la ville de Suisse la plus dense, avec Bâle. Au-delà des prétextes invoqués, la motivation udéciste est simple : la Ville de Genève vote à gauche, son Conseil administratif est à majorité de gauche, son Conseil municipal pas assez à droite, et l'UDC y est marginale. Faute de pouvoir renverser ces majorité, l'UDC  propose de priver le corps électoral de la Ville (en gros, 40 % de celui du canton) de tous ses droits politiques municipaux -et 40 % de ce corps électoral d'absolument tous ces droits politiques, puisqu'il est étranger et que les étrangers ne peuvent voter et élire qu'au plan municipal... Et on propose donc ensuite de réduire le plus possible les moyens financiers dont dispose la Ville pour mener une politique culturelle et sociale que déteste l'UDC. Evidemment, le problème, c'est que si l'UDC se met à vouloir supprimer tout ce qui l'insupporte politiquement, socialement et culturellement, il ne va plus rester grand'chose dans une ville, et même un canton, comme Genève. Qu'importe ? Quand on purifie, on ne fait pas le détail. Le PLR Murat-Julian Alder (un autre politicien de droite qui ne supporte pas une ville de gauche...) était tout désolé que la proposition de supprimer la commune de Genève soit impraticable constitutionnellement : la "solution bâloise", qui date de 1833, ne supprime la commune qu'en la transformant en (demi-) canton (mais on doute que le PLR ou l'UDC se réjouirait de voir la Ville de Genève devenir un canton). De plus, la "solution bâloise" était possible dans le régime institué par la constitution fédérale de 1815 mais ne l'est  plus dans celui réglé par la constitution fédérale en vigueur aujourd’hui, les lois fédérales qui en découlent et la jurisprudence du Tribunal fédéral, à moins que le corps électoral de la Ville l'accepte -et accepte donc de perdre un tiers de ses droits politiques, voire tous ces droits quand il s'agit des étrangers.

Le canton de Genève est celui de Suisse qui connaît les plus grandes disparités de ressources entre communes La Ville de Genève concentre la majorité des emplois du canton, mais une minorité de sa population. Onex accueille 3,7 % de la population genevoise, mais 1,2 % des emplois. Autrement dit, Genève finance des équipements, des institutions, des lieux qui bénéficient à une population plus importante que la sienne, alors qu'Onex a besoin pour sa propre population d'un financement que ne peuvent lui apporter ses seuls contribuables. La répartition du produit de l'impôt communal entre la commune de travail et la commune de résidence, instaurée en 1920 déjà, compense en partie cette disparité,  la péréquation intercommunale faisant le reste.

On avait évalué à 50 millions la perte annuelle de ressources pour la Ville de Genève, si la part de l'impôt municipal revenant à la commune de travail était supprimée...  en fait, ce serait plutôt 70 millions qu'elle perdrait chaque année. Un peu plus que ce que lui coûtent le Grand Théâtre et l'OSR ensemble. Ou à peu près l'équivalent de quatre centimes additionnels (l'impôt municipal) de plus... Les villes proposent le plus grand nombre de prestations municipales de tout le canton, et les offrent aux habitants des autres communes, mais elles abritent aussi la plus grande part des populations les plus défavorisées. Que certaines de communes les plus friquées tentent même parfois de dissuader d'utiliser leur espace sacré : Collonge-Bellerive avait tenté d'interdire ses plages aux non-communiers et Cologny était allée jusqu'au Tribunal fédéral pour éviter de contribuer à l'hébergement des sans-abris, alors même que personne ne lui demandait de les héberger chez elle.

"Je trouve que là où on paie ses impôts, on devrait pouvoir exprimer ses droits démocratiques", écrit la rédactrice en chef du journal de la Fédération des syndicats patronaux pour justifier le soutien de la FER à l'initiative de l'UDC... juste avant de préciser que la suppression de la part de l'impôt communal allant à la commune de travail ne s'appliquera ni aux frontaliers (qui y sont imposés à la source), ni aux pendulaires vaudois (qui ne paient pas un rond d'impôt à Genève)... "Payer ses impôts là où on vote", dit-elle ? Ouais, mais à condition qu'on paie le moins possible, et que ce soit là où on vote à droite. Et si possible dans une des communes les plus riches du canton, où habitent, heureux, les 4,5 % de la population genevoise très contents de pouvoir fréquenter les théâtres, l'opéra, les piscines, les bibliothèques de Carouge, de Vernier ou de Genève... sans avoir à les financer par leurs impôts...





Commentaires

Articles les plus consultés