Informer et débattre sur du papier imprimé : une vieillerie ?
SOUTENIR LA PRESSE, çA PRESSE
Samedi , c'était la journée mondiale de la liberté
de la presse. Il en faut une, comme il faut des éloges funèbres.
Et c'était aussi la journée mondiale de l'asthme. La coïncidence
parle (en toussant) : la liberté de la presse, et la presse
elle-même, sont asthmatiques. Jeudi, à la manifestation
genevoise du 1er Mai, des travailleuses et des travailleurs des
media sont intervenus pour dire et redire que soutenir la
presse, ça presse. Parce que l'information "renforce notre
capacité à penser et notre pouvoir d'agir" et qu'elle est "un
rempart essentiel face à l'offensive des forces réactionnaires".
C'est d'ailleurs bien pour cela que quand elles en ont le
pouvoir (comme elle l'ont désormais aux Etats-Unis), elle s'y
attaquent. Et donc qu'il faut la défendre. Pas comme un
vestige, mais comme un bien nécessaire : informer et débattre
sur du papier imprimé, pas déformer et bégayer sur des écrans.
Soutenir la presse, ça presse.
"La presse représente un pilier du débat public et le fondement d'une démocratie formelle et forte"
Ce qu'on sait ou croit ou croit, on peut encore le transmettre : fragile possibilité, que menace la concentration du secteur des media privés et la permanence des tentatives du capitalisme de clore la propriété du savoir comme la propriété foncière fut enclose, de privatiser les contenus de savoir disponibles sur les media (à commencer par l’internet), et de réduire le nombre relatif de ceux qui déterminent le contenu de la communication par rapport au nombre de ceux qui ne sont que les récepteurs de ce contenu déterminé par d’autres : la « société de communication » est la société d’une communication assez généralement à sens unique, où ce qui se communique est une sorte de monologue des pouvoirs. D’où aussi le caractère profondément subversif, et radicalement déstabilisateur, de l’usage des moyens de communication pour généraliser la diffusion de tous les savoirs et de toutes les compétences possibles, puisque comme le professait déjà Spinoza, la connaissance n’est que le moyen de la liberté, laquelle se définit par la possibilité d’une action autonome qui n’est elle-même que le moyen de cette vieille idée neuve : le bonheur.
Il ne s’agit pas donc pour nous de trouver de nouveaux moyens de communication, d’inventer de nouveaux media, mais de donner un nouveau contenu aux messages communiqués par les media existants, et de détourner ceux-ci de leur utilité marchande en les retournant contre leurs propres règles de fonctionnement, et contre la direction « naturelle » de la communication autorisée.
Un "Appel aux élus, aux politiques et aux
collectivités à sauver la presse locale", lancé par "Le Courrier
le 13 novembre 2024, avait récolté 4500 signatures en trois
mois. L'Appel proclame que "l'information n'a jamais eu autant
de valeur", qu'elle est "un bien commun" mais est "plus que jamais en danger" et que "sans une
réaction urgente des acteurs concernés, le risque est grand de
voir la presse disparaître". Or "des réponses politiques à la
hauteur des enjeux au niveau régional se font attendre" face "à
la concurrence déloyale des géants numériques qui pillent" les
contenus des journaux et "aux lenteurs dans le dossier de l'aide
directe ou indirecte" à la presse, alors qu'il est
"indispensable" d'agir pour le "maintien d'une pluralité de
médias et en particulier de la presse écrite". Finalement,
l'appel évoque pour cela "une série de mesures concrètes à la
portée des pouvoirs publics", certaines "rapidement
applicables", d'autres "à inscrire sur un plus long terme".
C'était donc un appel. Un appel, ça attend une
réponse. Quand on n'attend rien, on n'appelle personne. Ou Dieu,
ce qui revient au même. Quelle réponse lui donner, alors, à cet
appel ? Comme on essaie d'agir là où on sévit, on en a fait un
projet de motion au Conseil municipal de Genève, qu'on a déposée
hier, avec les signatures de socialistes et d'élu.e.s d'Ensemble
à Gauche, et qui demande à la Ville de prendre quelques unes des
mesures que suggérait l'appel du "Courrier".
Pour présenter le projet du canton de Genève
d'offrir aux jeunes des abonnements aux journaux, la
Chancellerie d'Etat de la Parvulissime République (où la
majorité des quotidiens qui paraissaient quand on a commencé à
lire les journaux a disparu) proclamait que "la presse
représente un pilier du débat public et le fondement d'une
démocratie formelle et forte". C'est bien dit. Un peu moins bien
compris. Disons que pour certains acteurs de cette "démocratie
formelle et forte", ce fondement, c'est bien la couenne sur
laquelle ils s'assoient.



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