La droite et le patronat attaquent le salaire minimum
La mère des batailles
S'il est un référendum qui s'impose, c'est bien celui qu'il va sans doute falloir lancer contre la loi fédérale assujettissant les salaires minimums cantonaux à une priorité imposée à des conventions collectives prévoyant des salaires inférieurs à ceux des lois genevoise, neuchâteloise, jurassienne, tessinoise. Hier, la majorité de droite du Conseil fédéral s'est lourdement assise à la fois sur le fédéralisme et le prononcement démocratique des citoyennes et citoyens des cantons qui ont adopté des salaires minimums légaux. Le référendum qui sera lancé si le Conseil des Etats, supposé être la "Chambre des cantons" (presque tous les cantons se sont opposés, en consultation, à la loi patronale adoubée par la Chambre basse), s’assoit lui aussi sur les droits des cantons qu'il est supposé représenter (il se prononcera en septembre). Le référendum lancé contre cette loi sera, pour les syndicats, pour la gauche, pour les cantons, pour les travailleuses et travailleurs les moins bien payés, la mère des batailles.
Faire subventionner les
patrons les plus exploiteurs par les
contribuables ?
Il y a cinq ans, le peuple genevois acceptait à 58 % des suffrages (et donc avec seize points d'avance sur les opposants) l'instauration par la loi d'un salaire minimum cantonal. Et hier, à quelques dizaines de voix de majorité, le Conseil national a décidé enclencher un mouvement général de baisse des salaires dans tous les cantons qui ont instauré, comme Genève, un salaire minimum légal. Une baisse de salaires déjà bas, et qui le seraient encore plus. Une baisse de salaires qui frappera des dizaines de milliers de travailleuses (surtout) et de travailleurs, à commencer par les plus précaires. Et qui accordera aux employeurs qui paieront le moins leur personnel un avantage concurrentiel sur ceux qui assumeront leurs responsabilités et respecteront le salaire minimum légal quand il sera plus élevé que le salaire minimum conventionnel, que la majorité de droite du Conseil national veut privilégier sur le salaire légal -précisément parce qu'il est généralement plus bas. Et souvent trop bas pour permettre à celles (surtout) et ceux qui devraient s'en contenter de pouvoir vivre dignement de leur travail, et de pouvoir se passer de l'aide sociale. Parce que c'est bien, aussi, de cela dont il s'agit : permettre à chaque salariée, à chaque salarié, de pouvoir vivre du salaire de son travail. Et éviter de transformer les caisses publiques en caisses de subventionnement (par les contribuables, donc) des patrons les plus exploiteurs. Ceux aux ordre de qui les élues et les élus de la droite parlementaire ont voté hier.
Dans un premier temps, les Chambres fédérales avaient adopté une motion du "centriste" obwaldien Ettlin, qui demande de faire primer dans toute la Suisse les salaires prévus par les conventions collectives de travail sur les salaires minimaux cantonaux, même institués par le peuple. Presque tous les cantons se sont opposés à cette demande, qui piétine leur autonomie. Le Conseil fédéral lui-même y était opposé -mais l’adoption de la motion l'a contraint à présenter un projet de loi contenant une triple atteinte aux droits populaires, au fédéralisme et à la lutte contre la pauvreté laborieuse, celle des "working poors"... C'est ce projet qui a été voté hier par le Conseil national. Et s'il était approuvé par le Conseil des Etats puis par le peuple, une employée semi-qualifiée dans une blanchisserie à Genève perdrait 350 francs de salaire chaque mois.
Le directeur de l'Union patronale a été clair :
les employeurs ne sont pas responsables de payer des salaires
qui permettent de vivre. Et l'Etat (les cantons, en
l'occurrence) n'ont pas le droit de le leur imposer. Bref, que
les employées et les employés se démerdent. Seuls, si possible.
Et s'ils sont si mal payés qu'ils doivent avoir recours à l'aide
sociale pour boucler (sans même y arriver) leurs fins de mois,
tant mieux : c'est toujours ça que les patrons n'auront pas à
payer.
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