Ouverture dominicale des magasins : la droite remet ça

PartenaRIEN Asocial

On vous jaspinait lundi du sophisme patronal consistant à invoquer le "partenariat social" pour justifier la mise à bas des salaires minimums légaux, on peut aujourd'hui poursuivre par un autre sophisme sorti du même tonneau patronal: celle qui consiste à profiter de l'absence d'une convention collective (et donc de produit du partenariat social) pour accroître la pression sur les travailleuses et les travailleurs du commerce de détail, en élargissant la possibilité d'ouverture dominicale des commerces, tout en proclamant hautement son attachement au partenariat social.  Au partenariat social ? Au partenaRIEN Asocial,  plutôt... Un référendum est lancé par les syndicats et les partis de gauche contre la loi votée par la droite. Il aboutira. Et on (re)votera, comme en 2011, où de nouvelles ouvertures dominicales avaient déjà été refusées en votation populaire, avant de n'être acceptées en 2016 qu'à la condition d'une Convention collective de travail -précisément la condition que la majorité du Grand Conseil a décidé de ne plus respecter, parce qu'elle ne l'arrange pas. On dit que les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures -mais c'est ignorer la force du comique de répétition.

Le patronat affectionne la tactique du salami -surtout quand le salami, c'est le personnel de la vente

Le projet de la droite et du patronat du commerce de prolonger les horaires d'ouverture des magasins le samedi et de les autoriser à ouvrir le dimanche a déjà été refusé par le peuple à plusieurs reprises, aux plans communal, cantonal et au plan fédéral (elle a même été refusée par le parlement fédéral en 2021) ? Peu importe au patronat : à Berne, les Commissions de l'économie et des redevances du Conseil des Etats et du Conseil national ont accepté une initiative du canton de Zurich demandant une ouverture possible des magasins douze dimanche par an, sans autorisation particulière, et à Genève le Grand Conseil (ou plutôt sa majorité de droite) a voté un projet de loi qui permettrait aux commerces d’ouvrir deux dimanches de plus par an, ainsi que le 31 décembre, sans condition-sans même celle d'une convention collective. Ce qui mesure à sa juste valeur l'invocation par la droite et le patronat du partenariat social pour combattre le salaire minimum légal.

Le patronat et ses porte-valises politiques affectionnent la tactique du salami -surtout quand le salami, c'est le personnel de la vente... Là, on introduit à petits coups le travail dominical dans les commerces, pour l'introduire ensuite dans toutes les branches et toutes les professions. Actuellement, la loi genevoise n'autorise les ouvertures dominicales qu'à la condition qu'une convention collective étendue à tout le secteur du commerce de détail -une condition qui n'est actuellement pas remplie, faute de suffisamment de représentation patronale dans les négociations. Mais le patronat de la branche ne veut pas d'une convention collective élargie -alors qu'au plan fédéral, le patronat pose l'existence d'une telle CCT élargie comme le moyen de contourner les salaires minimums légaux cantonaux (comme celui en vigueur à Genève, sur décision du peuple).

Où est le besoin, hors de la tête de ceux qui l'invoquent, d'une ouverture dominicale supplémentaire des commerces? Dans les gares des villes,  les magasins des galeries commerciales sont ouverts tous les jours de très tôt le matin à très tard le soir, et dans les villes elles-mêmes, et nombre de bourgs, des "dépanneurs" (en fait, des épiceries-tabac) foisonnent (sans même parler des marchés dominicaux) avec le même genre d'horaires, et une offre de marchandises permettant de couvrir largement les besoins urgents de consommateurs ne pouvant attendre le lundi pour les combler.

Près de 18'000 personnes travaillent à Genève dans le secteur du commerce de détail. Deux tiers d'entre elles sont des femmes.  Ce personnel est déjà confronté à une pression sur les temps de travail existant (travail fréquemment six jours d'affilée, rareté de deux jours de congés consécutifs) , sur les salaires -une ouverture dominicale élargie, sans aucune nécessité pour les consommateurs ne ferait que dégrader encore les conditions de travail, déjà calamiteuses du personnel de la vente et menacer sa santé, sans parler du dommage à la conciliation de la vie privée et familiale avec la vie professionnelle...

Le patronat et ses serpillières parlementaires affirment que faire travailler le personnel deux dimanches de plus, et le 31 décembre, est nécessaire aux petits commerces. Comme si cela allait remplir le porte-monnaie ou le compte en banque des consommateurs. Comme si ce ne seraient pas les grandes surfaces qui allaient le plus profiter de cette dérégulation. Comme si c'était faute de temps que le consommateur lambda ne se précipitait pas dans les commerces le dimanche...

Comme si les gens pour qui la fin du mois tombe le 15, même en décembre, allaient se précipiter dans les magasins le 31...




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