1ER AOUT : UN JOUR FERIE C'EST TOUJOURS çA DE PRIS,,,
Vendredi dernier, la Suisse a célébré sa fête nationale. Elle avait au siècle dernier décidé d'en avoir une, comme tous les autres Etats, parce qu'au moment où elle se constituait comme un Etat moderne, il lui fallait se donner à voir et à célébrer comme une nation. Et que pour célébrer une nation, ce qu'elle n'était pas encore, il faut une fête nationale. ça se tient, tout ça. Mais ça se tient comme se tient un mythe qu'on a construit, pas comme une histoire qu'on a vécue, collectivement. A un Etat qu'on veut construire, ou reconstruire, ou révolutionner, il faut une fête nationale précisément parce qu'un Etat n'est pas une nation mais qu'il doit faire comme s'il en était une. Et à cet Etat qui n'est pas une nation mais qui veut faire croire qu'il en est une, il faut aussi un hymne national. Et un drapeau national. Et un récit national. Et nous voilà toutes et tous conviés à célébrer tout cela, en vrac, le même jour. Et gare à qui tenterait de faire ouïr en ce jour une autre petite musique, à prendre quelque petite distance ironique avec le rite patriotique, à douter publiquement qu'il se soit passé quelque chose le 1er août 1291 sur la prairie du Grütli. A ne voir en le 1er août que l'utilité d'un jour férié (et encore : pas pour tout le monde...). C'est toujours ça de pris...
Qu'est-ce qui l'outrage le plus, le drapeau sacré de la patrie ? le brûler en place publique ou en faire l'illustration d'une affiche UDC ?
Le
1er août 2023, la socialiste valaisanne Mathilde Mottet avait
commis l’irréparable, l'impardonnable, le blasphème : elle
avait publié sur Instagram un selfie où elle faisait
un doigt d'honneur au drapeau suisse, avec ce commentaire : "tous
ces drapeaux suisses sur mon fil, ça me donne envie de
gerber". Sans doute n'en était-elle restée qu'à l'envie,
mais la seule évocation de cette envie avait provoqué un
déferlement d'indignation , d'insultes et de menaces. Elle
avait pourtant raison, la socialiste : Dans "patriarcat", il y
a "patrie", dans "patrie" il y a "pater", et "pater" est aussi
dans "paternalisme" et dans "patronat", et "patrie" dans
"patriarcat". La "patrie", c'est bien la terre des pères. En
allemand littéralement : "Vaterland". La terre des pères, pas
la terre des mères, des frères ou des soeurs.
Le
Conseiller national UDC valaisan Jean-Luc Addor, avait déposé
l'année dernière une initiative parlementaire : il faut que
l'outrage au drapeau suisse soit puni. Autrement dit, que le
drapeau suisse soit sacralisé. Car actuellement, il ne l'est
pas : certes, l'insulte au drapeau est punie, mais uniquement
s'il est hissé ou tenu par une autorité établie. Etablie par
qui ? Peu importe : il faut ce soit par une autorité. C'est
l'autorité qui compte, pas le drapeau. C'est à l'autorité
qu'on doit faire allégeance. C'est l'autorité qui s'y drape
qui fait d'un drapeau autre chose que ce qu'il est,
matériellement : une image, rien qu'une image. Un drapeau sans
une autorité derrière, ça existe pourtant -même les anars en
ont un, de drapeau, mais nul ne songerait à en faire un objet
sacré...
L'initiative de l'udéciste valaisan qui voulait sacraliser le drapeau suisse a été refusée par le Conseil national. Et c'est bien dommage, parce qu'on aurait bien rigolé quand il se serait agi de définir ce qui est un "outrage" au drapeau suisse et ce qui n'en est pas. Parce qu'après tout, qu'est-ce qui l'outrage le plus, le drapeau sacré de la patrie ? le brûler en place publique ou en faire l'illustration d'un tract, d'un journal ou d'une affiche UDC ? Et qui l'outrage le plus durement : Trump ou la socialiste valaisanne ?
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