Initiative de la Jeunesse Socialiste "pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement" : Exorcismes en vrac...

 

Elle est "dangereuse", "extrême", "punitive", "confiscatoire", met en danger la transmission d'entreprises familiales, pousserait les riches à quitter la Suisse (ou à ne pas y venir)... Elle est à exorciser. Qui cela, quoi ça ? Bon sang, mais c'est bien sûr : l'initiative "pour l'avenir", lancée par  la Jeunesse socialiste, signée par 130'000 citoyennes et citoyens.  et dont les Chambres fédérales ont débattu ce printemps -pour inviter, évidemment, à la repousser. Et à ne pas lui opposer un contre-projet. L'initiative, dont le titre complet est "pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement" propose, pour financer des mesures climatiques, un impôt de 50 % sur les successions et les donations dépassant 50 millions. Elle devrait selon l'administration fédérale rapporter plusieurs centaines de millions de francs par an, jusqu'à six milliards selon les initiants. En centaines de millions ou en milliards, il s'agit bien d'un apport indispensable au financement de la transition écologique et de l'urgence sociale, et de mesures ciblées pour l'accès au logement, la production locale d'énergie renouvelable, et peut-être même gratuité des transports publics pour les catégories sociales les plus précarisées... On votera encore cette année. Et on ne vous fera pas l'injure de vous écrire ce qu'on votera, et qu'on vous recommande de voter. Ne serait-ce que pour renvoyer les exorcistes à leurs exorcismes. 

"¡Que se vayan todos! "

La fortune déclarée des 41 milliardaires résidant en Suisse a atteint les 222 milliards en 2024 (et on ne parle bien que de la fortune déclarée). 71 milliards de plus en cinq ans. 39 millions de plus par jour pendant 1826 jours. De quoi voir venir. Et de quoi transmettre à des héritiers qui, comme disait Beaumarchais par la bouche de Figaro, n'ont pas eu d'autre peine à se donner que celle de naître, pour devenir à leur tour au moins millionnaires (ils le sont devenus en naissant), puis milliardaires. Le parcours de Trump, par exemple... Ce sont eux que l'initiative de la JS "pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement" cible. Eux, et pas les petits patrons et leurs héritiers... Eux, parce qu'îls ont les moyens de contribuer un peu plus au financement des mesures nécessaires pour que la Suisse respecte ses engagements climatiques, environnementaux, énergétiques. 

En 2024, plus de 260 millionnaires et milliardaires de 17 pays ont écrit aux dirigeants politiques invités au Forum de Davos pour leur demander... d'être mieux, c'est.à-dire plus, taxés. Pas vraiment parce qu'une bouffée d'esprit solidaires les a submergés, mais parce qu'ils se sont dit conscients que la croissance des inégalités ne peut que conduire à plus de violence et d'insécurité, y compris pour eux-mêmes et leurs familles. Peu importent, d'ailleurs, leurs motivations : ce dont ils ont témoigné par leur lettre, c'est d'un certain sens des responsabilités sociales -dont tous leurs semblables ne font pas témoignage... prenez Renaud de Planta, un nom qui sonne bien son oligarchie. Il fut «associé senior» de la banque Pictet. Et il vient de foutre le camp de Genève pour s’établir en Italie. Pas pour le climat ou la culture, ni même pour Meloni,  seulement pour payer moins d'impôts grâce à un forfait fiscal dont il peut bénéficier en Italie en tant qu'étranger alors qu'il ne peut pas en bénéficier en Suisse puisqu'il est Suisse... Mais son exil fiscal choque même au sein de la banque, où il continuait de siéger au Conseil d' administration : en effet, ça fait mal à l'image que Genève et la Suisse veulent donner d'elles-mêmes. Surtout que Renaud de Planta est l'initiateur d'un machin, la «Fondation pour l'attractivité de Genève», fondée pour défendre «une Genève attractive de renommée mondiale en travaillant sur trois piliers: qualité de vie et éducation, infrastructures et durabilité et fiscalité». Son départ donne la juste mesure de la crédibilité de ce genre de discours: microscopique, comparée à celle, macroscopique, de l'intérêt personnel qu'il y a à changer de pays quand celui où on va s'établir offre un forfait fiscal avantageux. Dès lors, quand vous entendrez un banquier privé vous faire le coup de l'éthique, de la responsabilité, de l'engagement pour la Genève internationale, ou quand les syndicats patronaux excusent de Planta en invoquant la lourdeur supposée de l'imposition de la fortune ou des revenus à Genève, ou quand le président du PLR genevois proclame que «la concurrence fiscale n'est pas amorale», vous êtes autorisés à ricaner. Et priés de soutenir, comme vous le pourrez, l'initiative populaire de la Jeunesse Socialiste "pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement", ce que le député PLR de Senarclens traduit par "dogmatique, populiste et suicidaire", venant "détruire notre tissu de PME familiales" -des "PME" familiales capables de produire des successions ou des donations de plus de 50 millions, il en connaît beaucoup, le député PLR ? Il nous annonce carrément (comme d'ailleurs l'UDC) l'exode de "la quasi totalité des contribuables concernés"... 

Quant à ceux qui auraient effectivement à payer la taxation proposée par les Jeunes Socialistes et qui ne sont, pour toute la Suisse, que moins de 3000 (dont aucun patron de "PME familiale") dont la droite patronale et politique annonce l'exode, et dont certains  (comme le multimilliardaire Peter Spühler) ont déjà annoncé leur intention de faire leurs valises (Vuitton, les valises), on avoue avoir quelque peine à s'en sentir solidaire. 

Quel était déjà le slogan des "printemps arabes" ? Ah oui : "dégage !"... Et celui des protestations populaires d'il y a vingt ans, en Argentine ? Ah oui : "¡Que se vayan todos! "





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