Le corset et les besoins
Le 28 septembre, on votera sur (contre...) un carcan budgétaire supplémentaire
En janvier dernier, la majorité de droite du Grand Conseil genevois a accouché de deux lois, dites "lois corsets", imposant à l'Etat un carcan budgétaire supplémentaire le rendant incapable de mener une politique de relance, de maintenir, voire de développer, sa politique sociale, l'aide aux personnes et aux familles les plus précarisées. La première de ces deux lois (la L 12574) impose comme règle que les budgets de l'Etat ne pourraient croître que si la démographie croît elle aussi -en nombre d'habitants, sans tenir réellement compte de sa structure, comme si une population vieillissante n'avait pas besoin d'un soutien et d'un encadrement renforcé. La seconde loi (L12575) ajoute à la première un blocage (sauf dans l'enseignement) de la création de postes en cas de déficit budgétaire. Et pour se soustraire à ces corsets, une majorité des deux tiers du Grand Conseil serait nécessaire. Ce qui donne à une minorité (en l'occurrence la droite de la droite) une sorte de droit de veto sur des décisions votées à la majorité (c'est la fonction même des majorités qualifiées). Une démarche que même le Conseil d'Etat (à majorité de droite aussi) refuse de soutenir, et appelle à refuser dans les urnes. Parce que si on peut corseter les budgets, on ne peut pas corseter les besoins.
La place des corsets n'est pas dans une loi, mais dans un musée
Sous prétexte de "maîtriser les charges et les engagements" de l'Etat, la droite genevoise à donc bricolé un dispositif de contrainte comptable (budgétaire) et politique s'ajoutant à toutes celles déjà imposées au parlement. Là, il s'agit d'empêcher que les allocations budgétaires aux services publics puissent tenir compte des besoins de la population, d'interdire de créer de nouveaux postes (sauf dans l'enseignement) et de plafonner toute augmentation de charges budgétaires "non contraintes" à l'augmentation de la population. Or les besoins augmentent sans rapport avec l’augmentation de la population mais en lien direct avec sa structure, et le contexte social : le vieillissement de la population, la crise du logement, la situation précaire d'un nombre croissant de personnes et des ménages, pèsent bien plus dans la détermination des besoins que la croissance (quantitative) de la population résidente. Ces détermination sociales sont des défis auxquels les collectivités publiques doivent pouvoir répondre -parce que c'est cette capacité de réponse qui les légitime. Les "lois corsets" votées par la droite parlementaire (et que le Conseil d'Etat, pourtant à majorité de droite, appelle à refuser) ont, au moins pour effet, voire pour objectif ,de les priver de cette capacité -pour pouvoir ensuite proposer des privatisations (ou des sous-traitances à des entreprises privées) de services publics.
Or si on peut, déraisonnablement, corseter les budgets, on ne peut pas corseter les besoins. On ne peut pas corseter le vieillissement de la population. On ne peut pas corseter les canicules. Et on ne peut "corseter" la précarisation sociale et les effets du dérèglement climatique qu'en accordant aux collectivités publiques plus de moyens d'agir, plus de ressources humaines et donc plus de ressources budgétaires -ce que précisément les "lois corsets" rendraient quasiment impossible. Si les "lois corsets" étaient déjà en vigueur, les HUG et l'IMAD auraient été privés de plus de 750 postes créés entre 2013 et 2023, parce qu'ils étaient nécessaires. Et la gratuité des TPG pour les moins de 35 ans, et la semi-gratuité pour les plus de 65 ans, n'auraien jamais pu être introduites. Dans l'exposé des motifs de son appel à refuser les deux "lois corsets", le président (socialiste) du Conseil d'Etat, Thierry Apothéloz, résume : "elles créeraient plus de problèmes qu'elles n'en résoudraient"... à supposer qu'elle puisse en résoudre : ne s'appliquant qu'aux charges non contraintes, elles ne s'appliquent qu'à une minorité de charges -celles, précisément, qui permettent "de répondre aux besoins et d'engager de nouveaux projets".
Enfin, et pour couronner le tout, il y a ce paradoxe qui illustre à lui seul l'absurdité des postures de la droite parlementaire genevoise : en corsetant les débats budgétaires, cette droite priverait un parlement où elle est majoritaire d'une grande part de sa capacité de décision.
On votera NON aux deux lois-corsets parce que la place des corsets n'est pas dans la loi et les processus budgétaires mais dans un musée des instruments de torture vestimentaire ou un catalogue des automutilations.
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