Ouverture dominicale des magasins de détail : Le TOC du patronat
Tous les cinq ou six ans, le sujet de l'ouverture dominicale des magasins revient dans le débat à Genève. Et le 30 novembre, ce sera la quatrième fois en dix ans que le peuple genevois sera amené à se prononcer sur l'ouverture dominicale des magasins. Cette fois, ce sera sur un projet de loi qui sommeillait du sommeil de l'injuste dans le frigo de la commission de l'économie du Grand Conseil, d'où la droite parlementaire l'a sorti pour le réchauffer. Mauvaise idée, pour un mauvais texte qui contourne l'exigence d'une convention collective de travail élargie pour pouvoir ouvrir les magasins le dimanche. Mauvais texte contre lequel les syndicats et la gauche ont lancé et fait aboutir, largement (avec 8100 signatures), un référendum. On votera donc, à Genève, contre la énième tentative de la droite et du patronat de grignoter quelques heures d'ouverture des commerces sans que le besoin s'en fasse sentir. Ce n'est même plus un projet économique, c'est un trouble obsessionnel compulsif. Et ça se soigne -par un référendum et un vote populaire.
Du shopping "comme activité de loisirs vivante"
Ouvrir le dimanche les commerces de détail qui ce jour là sont fermés (alors que des dizaines de dépanneurs et magasins des gares, sont déjà ouverts ce jour là, de sorte qu'on ne risque pas à Genève de manquer de l'essentiel), c'est une obsession du patronat et de la droite genevoise et suisse. Début juin, la majorité de droite du Grand Conseil genevois adoptait un texte autorisant l'ouverture dominicale des commerces deux dimanches par an, et le 31 décembre (jour férié à Genève) sans qu'une convention collective de travail étendue soit une condition de cette ouverture dominicale. Le PS commente : "ce n'est pas seulement une attaque contre les conditions de travail dans la vente -c'est un coup de canif dans notre démocratie et dans le partenariat social. Une trahison pure et simple du compromis validé par les Genevois-es". Car en effet c'est à la condition d'une CCT étendue qu'en votation populaire le peuple avait en 2016 accepté de rendre possible une ouverture dominicale des commerces. Et que cinq ans plus tard, cette condition n'ayant pas été remplie, le peuple refusait, à 54 % des suffrages en votation la proposition de trois ouvertures dominicales par an. Pourquoi cette condition, toujours pas remplie, d'une CCT ? Parce que le personnel de la vente, payé au lance-pierre, est, résume le syndicat UNIA, soumis à des horaires "extrêmement flexibles, souvent fractionnés, avec des changements de plannings de dernière minute et des services tarifs en soirée". Que nombre d'entre eux et surtout elles (les femmes sont surreprésentées dans le personnel de vente) n'ont même pas la garantie d'un week-end de libre par mois. Et que dans ces conditions, une Convention collective est un garde-fou indispensable : sans elle, c'est le personnel qui fera les frais, et paiera le prix, d'une extension des horaires d'ouverture des magasins, puisqu'on en resterait au respect des "usages professionnels", bien moins favorables aux salarié.e.s.
C'est ainsi, résume le PS, que la droite politique et patronale "piétine les droits sociaux pour grignoter quelques heures d'ouverture supplémentaires" des commerces, sans justification économique : ce n'est pas parce que les magasins sont ouverts deux dimanches par an qu'ils auront plus de clients -c'est le pouvoir d'achat des consommateurs qui est déterminant. Quand on a pas les moyens de faire plus d'achats qu'on en fait, une ouverture dominicale ne fera que permettre d'acheter le dimanche ce qu'on aurait acheté le samedi ou le lundi. Le franc dépensé le dimanche ne l'aura pas été la veille et ne le sera pas le lendemain, c'est tout... De plus, un élargissement de l'ouverture des magasins profitera surtout aux grandes enseignes et aux grands distributeurs, à commencer par la Migros et la Coop, au détriment des petit.e.s commerçant.e.s. Enfin, ouvrir les commerces genevois le dimanche ne changera rien à l'attrait du commerce en ligne et du tourisme d'achat.
Au niveau fédéral aussi se déroule une offensive
patronale contre le repos dominical des travailleuses et des
travailleurs du commerce de détail : la commission de l'économie
et des redevances du Conseil des Etats a décidé de lancer la
consultation sur un avant-projet de mise en œuvre d'une
initiative du canton de Zurich réclamant la possibilité pour les
commerces de détail d'ouvrir douze dimanches par an au lieu de
quatre. Avec, pour la majorité de droite de la commission, cet
argument imparable : il faut "renforcer le shopping comme
activité de loisirs vivante". Et le deal comme petit commerce
légitime ?
Les syndicats dénoncent une attaque contre les droits des travailleuses et de travailleurs de la vente, et contre leurs conditions de vie : une ouverture élargie des commerces, c'est, résume Unia, "plus de stress, moins de repos, moins de vie privée et, en définitive, plus de soucis de santé" pour le personnel. Et pas seulement les 18'000 personnes de celui de la vente, parce qu'une ouverture élargie des magasins, cela ne toucherait pas que ce secteur: le personnel de la logistique, du nettoyage, des livraisons, de la petite restauration et de la sécurité serait aussi appelé à travailler plus souvent le dimanche. Le référendum lancé par les syndicats et la gauche politique vise aussi à protéger le personnel de ces secteurs des dommages collatéraux d'une offensive patronale dont leurs collègues du commerce de détail seront les premières -mais pas les seules- victimes. C'est pour les défendre toutes et tous que le référendum a été lancé, c'est pour les défendre que plus de 8000 personnes l'ont signé. Et que le 30 novembre, il faudra voter "non" au mépris des conditions de travail et d'existence de milliers de travailleuses (surtout) et de travailleurs.
Ce n'est pas parce qu'on ne croit pas qu'il y ait un Jour du Seigneur qu'il faut se résigner à en faire un jour des saigneurs.
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