Un grand débat national à venir sur le salaire minimum
A nos marques, prêts ?
En ce jour de rentrée scolaire, politique et médiatique, il convient de saluer les efforts que nombre de protagonistes d'un temps qu'on désigne encore, mais désormais abusivement, comme un temps de vacances, ont déployé pour que la sortie de ce moment soit une sorte de réveil à l'état du monde. Et d'entre ces acteurs, et sans oublier ceux de la scène internationale (les Trump, Poutine, Netanyahou, van der Leyden, Macron et consorts) on gratifiera les seconds rôles suisses d'un salut reconnaissant : en se faisant rouler dans la farine par Trump sur les Taxes douanières et le fabriquant des avions de combat F-35 sur le prix de ses joujoux, ils nous ont fourni , si on leur adjoint quelques acteurs locaux (la droite genevoise, par exemple, qui remet le couvert sur l'ouverture des magasins de détail le dimanche) et la ration trimestrielle d'objets en votation (plus une élection partielle au Conseil d'Etat genevois) de quoi alimenter cette niouzeletter au moins jusqu'à noël. Grâce leur soit donc rendue pour leur contribution à la délégitimation des pouvoirs établis. Mais pour cette rentrée, on va commencer par rappeler un enjeu encore suspendu à une décision parlementaire, mais qui, si cette décision devait être conforme à ce qu'on peut hélas attendre de qui (le Conseil des Etats) aura à la prendre, devrait lancer un débat national d'une importance politique considérable, et aux conséquences concrète sur la vie de centaines de milliers d'habitantes et d'habitants de ce pays, tout aussi considérables : le débat sur le salaire minimum légal. Un débat auquel il convient d'ores et déjà de nous préparer. A nos marques, prêts ?
Travailler à plein temps doit permettre de vivre un peu mieux que de ne pas travailler du tout.
Le 1er août, les orateurs officiels de la fête nationales auront rarement manqué à la tradition de farcir leurs discours de références au fédéralisme. Que la Confédération suisse ne soit plus une Confédération mais une fédération, on s'en fout. Qu'elle ne soit plus une fédération que quand ça arrange ceux qui la contrôlent, c'est là qu'est le problème. Ceux qui ont tartiné leurs discours de références au fédéralisme sont sans doute parmi les premiers à le piétiner quand il les empêche de faire ce qu'ils veulent. Par exemple, permettre de sous-payer le petit personnel du nettoyage, de l'hôtellerie et de la restauration, de la coiffure (et on en passe) en levant l'obstacle du salaire minimum légal, là où il existe.
Donc, quand des cantons introduisent un salaire minimum légal, nos grands fédéralistes sortent l'artillerie lourde au parlement fédéral: le salaire minimum cantonal doit s'écraser devant les conventions collectives qui prévoient des salaires minimums plus bas. C'est ce qu'à voté la majorité de droite du Conseil national, le 17 juin dernier (le Conseil des Etats, supposés être la Chambre des cantons, doit encore se prononcer). Et au passage, elle s’assoit aussi sur la démocratie directe, puisque ces salaires minimums ont été institués par le peuple des cantons de Neuchâtel et de Genève, de Bâle-Ville et du Tessin, ainsi que dans le Jura mais en étant déjà subsidiaire aux conventions collectives. Les salaires minimums légaux pourraient également être institués à Fribourg, dans le Valais ou dans le canton de Vaud. 25 cantons sur 26 (dont la quasi totalité sont gouvernés par une majorité de droite) ont dénoncé cette atteinte à leur droit de se doter d'un salaire minimum ? la droite fédérale et le patronat s'en foutent. L'Assemblée fédérale a elle-même accordé la garantie fédérale aux constitutions cantonales intégrant un salaire minimum légal ? Sa majorité actuelle s'en fout -tant pis pour la sécurité du droit. . Le conseil fédéral lui-même, à majorité de droite lui aussi, ne voulait pas de la motion anti-salaire minimum ? la majorité de droite du Conseil national s'en fout : elle veut faire primer partout, dans tous les cantons, les conventions collectives sur les lois, parce que ça l'arrange. Et tant pis (ou tant mieux ?) si cela permet de verser des salaires inférieurs à ce que les cantons considèrent comme le minimum nécessaire à une existence digne. Pourtant, que le droit public (cantonal, en l'occurrence) l'emporte sur des conventions collectives est un principe fondamental. Que les cantons aient le droit de définir des salaires minimums à titre de mesures sociales, comme le Conseiller fédéral UDC Guy Parmelin l'a rappelé, la droite s'en fout. Et de toute façon, les principes, c'est comme les promesses : cela n'engage que ceux qui y croient.
Le président de l'Union Syndicale Suisse, Pierre-Yves Maillard, interroge : " Quelle justification y a-t-il à annuler par une loi fédérale le vote du peuple (d'un) canton ? Qui est gêné à Obwald, à Zug ou à Zürich par le salaire minimum voté par le peuple à Genève ?"... et de répondre "personne, absolument personne"... Il est vrai que de justification, la droite parlementaire fédérale n'en a pas besoin -sauf celle de la loi du plus fort. Et tant pis pour le fédéralisme et le vote populaire. Et pour les coiffeuses, les serveurs de restaurant, les vendeuses, les nettoyeurs et les nettoyeuses, les aide-soignants à domicile, qui travaillent à plein temps et pour qui la fin du mois tombe le 15. Et qui, si le salaire minimum légal ne devait plus leur être accordé, pourraient perdre entre 500 francs par mois dans la restauration et 1000 francs par mois dans la coiffure. Et Pierre-Yves Maillard de rappeler ce principe simple : "travailler à plein temps doit permettre de vivre un peu mieux que de ne pas travailler du tout". En effet, c'est cela, le salaire minimum, ou le revenu minimum...
Le fédéralisme et la démocratie directe sont des totems suisses. Et c'est à leur ombre qu'on a pu instaurer des salaires minimums à Genève, à Neuchâtel, dans le Jura,au Tessin, et qu'on pourrait les instaurer à Fribourg, en Valais et dans le canton de Vaud, comme une obligation légale de verser aux travailleuses et aux travailleurs des salaires qui leur permettent de vivre dignement sans avoir besoin de recourir à l'aide sociale. Du coup, nous, on y tient, à ces totems. Assez pour ne pas laisser impunément la droite parlementaire et patronale pisser dessus : un référendum mitonne doucement dans nos marmites. En attendant quoi on s’autorisera même à trouver jouissif le paradoxe d'un canton de Genève qui dénonce l'atteinte au fédéralisme que commet la motion du Centre qui s'attaque aux salaires minimums, mais qui a tout fait, de son côté, pour nier à ses communes le droit d'accorder à leur population la plus modeste des prestations sociales comme les allocations de rentrée scolaire ou des prestations complémentaires aux prestations complémentaires cantonales (on ne parle donc pas ici des jetons de présence que les Conseiller.e.s municipaux et pales s'accordent à eux et elles-mêmes), que la Ville de Genève aura finalement réussi à instaurer -en allant jusqu'au Tribunal fédéral pour s'en faire reconnaître le droit.
Ce n'est même pas que la main gauche du canton ignore ce que fait sa main droite, c'est que sa main droite fait elle-même tout et son contraire. Un doigt d'honneur et le poing levé en même temps, c'est rafraîchissant.
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