1 % du budget de fonctionnement du canton pour la culture ? Genève en a les moyens... et le besoin

Qui finance la culture ? A Genève, c'est essentiellement la Ville et les autres communes. L'Etat participe à ce financement, mais modestement. Le public aussi, y participe, quand les manifestations, les représentations, sont payantes -et là doit se jouer la démocratisation de l'accès à la culture, parce que our toutes celles et tous ceux qui arrivent à la fin du mois le 15 du mois, cet accès est hors d'atteinte financière. En 2019, l'Initiative populaire "Pour une politique culturelle cohérente à Genève" est acceptée par plus de 83 % des suffrages : elle demande une meilleure participation du canton au financement de la culture, et une meilleures répartition de sa charge entre le canton, la Ville et les autres communes. Mais aucun de ces objectifs de principe ne peut être atteint sans un effort financier suffisant, et à cet effort, le canton devrait pouvoir contribuer pour 100 millions par an (ce qui resterait bien moindre que l'effort financier assumé par la seule Ville de Genève), alors qu'il n'en est encore qu'à moins de la moitié. L'initiative "1 % pour la culture" propose de les obtenir en faisant consacrer par le canton 1 % de son budget de fonctionnement à la culture (il y consacre actuellement 0,7 %), soit trente ou quarante millions de plus qu'actuellement. Le canton en a largement les moyens, la politique culturelle en a impérieusement besoin, et après tout, ça ne représenterait toujours qu'une proportion vingt-cinq  fois inférieure à celle qui prévaut sur le budget de la Ville... 

Les feuilles de signatures sont téléchargeables ici :  https://ps-ge.ch/wp-content/uploads/2025/06/initiative-1-pour-la-culture_ps.pdf

Les créateurs et les artistes d'aujourd'hui doivent être soutenus aujourd'hui

La culture a un coût. La création culturelle, la diffusion de cette création, l'accès à cette diffusion et à la représentation de ses contenus, ont un coût. Le 19 mai dernier, canton, Ville et communes tiraient un premier bilan, forcément positif, de la nouvelle politique culturelle genevoise , de leur collaboration et des premiers résultats d'un investissement renforcé du canton dans un champ jusque-là essentiellement cultivé par la Ville de Genève. L'accord entre le canton, la Ville et les autres communes renforce l'implication du canton dans la politique culturelle -mais ne lui en donne pas les moyens -d'où le lancement de l'initiative "1 %", qui vise précisément à les lui donner, quitte à les imposer à un Grand Conseil rétif. Pour le Conseiller administratif sortant, Sami Kanaan, "toutes les étapes de l'accord ont été réalisées comme prévu". Certes, mais à quoi ont-elles jusqu'à présent mené ? à l'injection par le canton de onze millions de francs d'ici 2026 dans 28 structures au "rayonnement particulier", et au renforcement des moyens accordés à la Bibliothèque de Genève, au Grand Théâtre et au Musée d'Art et d'Histoire. L'accord prévoit aussi 3,2 millions d'investissement dans la création culturelle, notamment les musiques actuelles et le numérique. Et puis, on met l'accent sur les conditions de travail et de rémunération des artistes et les salariés des institutions culturelles. Il était temps. Parce que derrière, et dans,toute création culturelle, toute représentation culturelle, il y a des personnes : le secteur culturel genevois, c'est 5,7 % des emplois du canton.  Les artistes, les créateurs, les interprètes, Qui créent, représentent, interprètent. Et qui financent la culture par leur précarité : la majorité d'entre eux gagnent moins de 3333 francs par mois. Moins que le salaire minimum légal.

Le renforcement du soutien matériel du canton à la politique culturelle genevoise est bienvenu pour la Ville, les créateurs, les acteurs et les lieux culturels, même s'il reste insuffisant, et soumis à un feu vert budgétaire d'un parlement cantonal à majorité de droite qui a considéré pendant des décennies que renforcer l'implication financière du canton dans la politique culturelle était un "cadeau à la Ville" -un cadeau à l'ennemi héréditaire. En outre, l'engagement financier du canton sera  grevé d'un mécanisme de "bascule fiscale" qui contraindrait la Ville à baisser son centime additionnel (l'impôt communal), et donc les moyens qu'elle pourrait, et devrait, continuer à mettre à disposition de sa politique culturelle, mais en les affectant plus qu'actuellement au soutien des lieux et des acteurs non institutionnels. 

Certes, opposer création et patrimoine, exiger que la Ville (et le canton) arbitrent une sorte de match entre le soutien matériel aux institutions et le soutien matériel aux acteurs plus indépendants, voire plus critiques, c'est nier l'interdépendance de l’institutionnel et de l'autonome, du patrimonial et de l'innovant. C'est aussi nier qu'il n'y a de "classique" (de patrimonial) que ce qui fut "moderne" (innovant). Que le répertoire est fait de ce qui n'y était pas. Que la plus radicalement critique des créations devient elle-même patrimoniale quand l'institution l'intègre. Et que la représentation d'une oeuvre du patrimoine, c'est de la culture vivante autant que la création d'une oeuvre nouvelle. Quant Gli Angeli interprètent devant un public une cantate de Bach, c'est de la musique vivante, jouée par des musiciens vivants devant un public vivant....

Mais il n'empêche : la culture non institutionnelle a besoin d'un soutien renforcé. Et que le canton y consacre 1 % de son budget de devrait permettre à la Ville et aux autres communes de renforcer leur soutien à l'émergence de ce qui, culturellement, s'expérimente, et leur soutien à celles et ceux qui l'expérimentent : les artistes et les lieux. Les créateurs et les artistes d'aujourd'hui doivent être soutenus aujourd'hui.




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