Budget 2026 du canton de Genève : un déficit provoqué
"Trahison" ? Non : continuité...
Vendredi, le Conseil d'Etat genevois, presque au complet (le Conseiller d'Etat vert Antonio Hodgers, démissionnaire, était absent) a présenté un projet de budget portant un déficit de 409 millions de francs. C'est moins que le manque à gagner fiscal (475 millions) provoqué par la dernière baisse d'impôts et de la réforme de la fiscalité immobilière proposée par la droite parlementaire et gouvernementale à la population, et acceptée en votation sur la promesse que cette baisse d'impôts allait, à terme, provoquer une hausse des recettes fiscales. Sans doute un budget n'est-il que la mise en balance de deux incertitudes : une autorisation de dépenses dont on ne sait pas si elles seront faites, et une hypothèse de recettes dont on ne sait pas si elle sera vérifiée. Ce sont ses comptes qui disent la situation réelle d'une collectivité publique, pas son budget (ce qui, soit-dit en passant rend assez dérisoire le refus des comptes de la Ville par une droite conjoncturellement majoritaire et aléatoirement coagulée), mais ce que dit celui-là, c'est bien l'intention de la droite cantonale de poursuivre la politique qui, précisément, produit un déficit qu'elle tentera de faire payer à la fonction publique, aux bénéficiaires des prestations sociales et aux communes. De sorte que le PS se trompe quand il parle de "trahison au sommet" : la droite ne trahit pas -elle reste fidèle a elle-même. Elle fait ce qu'elle a toujours fait chaque fois qu'elle a pu le faire. Et qu'elle entend bien continuer à faire -à moins qu'on l'en empêche.
Il n'est de cercle vicelard dont on ne puisse sortir. Vertueusement.
D'entre les charges contraintes qui participent des dépenses budgétées du canton de Genève, on commencera par relever l'augmentation considérable de la part genevoise à la péréquation financière intercantonale : les paiements compensatoires aux cantons «pauvres" (mais dont la quasi totalité sont seulement «moins riches») vont augmenter de 4,8 % en 2025. Et tous les cantons romands vont en bénéficier, sauf un : Genève. Qui va casquer 543 millions en 2026 (125 millions d'augmentation, plus du quart de l'augmentation des charges) et peut-être 600 millions en 2027. C'est plus que le déficit annoncé du budget genevois. Un déficit qui va donc contribuer à équilibrer les budgets du Valais, de Fribourg, de Neuchâtel, du Jura et de Vaud. Alors, la prochaine fois que vous entendrez un élu genevois de droite vous donner en exemple, la «bonne gestion des budgets publics» à la vaudoise, vous êtes autorisés à ricaner. Genève devient ainsi le plus gros contributeur à la péréquation intercantonale, devant Zurich et Zoug. Genève est donc le canton officiellement le plus riche de Suisse, mais sa ministre des Finances, la PLR Nathalie Fontanet, a fait déposer par le Conseil d'Etat un projet de loi faisant payer... les communes, pour 20 % de la contribution genevoise à la péréquation, soit 109 millions en 2026, et 180 millions en 2031. en expliquant qu'il est légitime de taxer les communes puisqu'elles assument moins de charges à Genève que dans les autres cantons (sauf Bâle). Certes, mais qui lui refuse des compétences égales à celle des autres communes de Suisse, sinon le canton, alors qu'elles seraient d'accord de payer pour des compétences nouvelles, mais refusent d'être rackettées par un canton qui les leur refusent ? Et la ministre des Finances d'évoquer, au nombre de compétences cantonales genevoises que les communes n'assumeraient pas, l'aide sociale, les prestations complémentaires... Elle a oublié, ne veut pas savoir ou ne veut pas qu'on sache que la Ville de Genève accorde des allocations sociales que le canton n'accorde pas (et qu'il voulait lui interdire de verser...), comme l'allocation de rentrée scolaire ou des prestations complémentaires à celles du canton... Oublié, aussi que si le canton assume seul la péréquation intercantonale, il bénéficie seul aussi de rétributions comme celles de la Banque nationale.
Commentant la présentation par les six autres membres du Conseil d'Etat du projet de budget, Antonio Hodgers, qui considère que ce projet d'un gouvernement dont il fait encore partie pour un mois "dépasse (ses) capacité de compromis", et " illustre une incapacité collective à anticiper des effets pourtant prévisibles et à faire des choix politiques". Il se trompe : la majorité de droite du Conseil d'Etat sait parfaitement ce qu'elle fait, et méfait. Elle est parfaitement consciente que l'euphorie financière provoquée par les profits du négoce des matières premières n'aurait qu'un temps, contrairement à la hausse des charges contraintes (péréquation intercantonale comprise) qu'un budget ne peut pas freiner, et encore moins réduire. Et parfaitement consciente aussi des effets des cadeaux fiscaux qu'elle a accordés. Et tout à fait décidée à faire payer un déficit à la population et aux communes. Après l'avoir elle-même provoqué. Et avant d'aggraver encore la situation par de nouvelles baisses d'impôts -et la mise en oeuvre des "lois corset" sur lesquelles le bon peuple se prononcera dimanche prochain. Il serait d'autant plus avisé de les refuser que le Conseil d'Etat prévoit de présenter un plan d'"économies" diverses et variées dans les prochains mois -pour parler clair : un plan d'austérité. Espérons au moins qu'il ne demandera pas conseil à François Bayrou pour le concevoir.
Ainsi tourne-t-on dans un cercle vicelard, où après avoir réduit les recettes fiscales qui permettent de financer les dépenses, on suspend des acquis sociaux, on réduit des dépenses socialement nécessaires avant, encore, de réduire les recettes fiscales. Et de proposer de nouveaux corsets budgétaires.
Mais ne désespérons pas : il n'est de cercle vicelard dont on ne puisse sortir. Vertueusement.
Commentaires
Enregistrer un commentaire