Election complémentaire au Conseil d'Etat genevois : Le siège et la tribune

Le 28 septembre, les Genevois et voises choisiront, sinon celui qui succèdera à Antonio Hodgers au Conseil d'Etat, du moins les deux candidats qui s'affronteront au deuxième tour pour ce choix. Actuellement, la droite détient quatre des sept sièges du Conseil d'Etat, la gauche les trois autres, avec deux socialistes et un Vert. Et ce gouvernement, déjà à majorité de droite, fait face à un parlement encore plus à droite. La gauche ne peut donc pas se permettre de perdre le siège vert, même si elle  gagné la quasi totalité des référendums lancés contre les décisions du Grand Conseil depuis le début de l'actuelle législature. Et les deux ministres socialistes, Carole-Anne Kast et Thierry Apothéloz appellent à voter pour le candidat vert, Nicolas Walder, "candidat engagé et expérimenté (qui)allie connaissance des enjeux locaux et maîtrise des défis nationaux". Au premier tour de cette élection, la droite prend une posture offensive, mais avec cet argument étrange venant du candidat du Centre, des Verts libéraux et des syndicats patronaux, Xavier Magnin : il faut que  le Conseil d'Etat "retrouve une majorité de centre-droit solide et responsable". La majorité de "centre-droit" de l'actuel Conseil d'Etat serait donc fragile et irresponsable... Quant à la gauche, elle aussi a trouvé le moyen de se diviser entre la candidature de Nicolas Walder et celle de Rémy Pagani. Une élection, il est vrai, n'est pas seulement le moment d'attribuer des sièges, elle est aussi celui de se faire voir et entendre... Le moment d'un choix entre un siège et une tribune. 

On ne peut voter au premier tour à la fois pour Nicolas Walder et pour Rémy Pagani. il faut donc choisir

Une élection au scrutin majoritaire à deux tours pose toujours la question des alliances, quand, comme à Genève, aucun parti ne peut espérer être majoritaire à lui tout seul. Et pour l'élection complémentaire du 28 septembre, des alliances se sont déjà constituées, et des promesses d'alliance exprimées pour un probable deuxième tour. A droite, le PLR a décidé de soutenir la candidature de l'UDC Lionel Dugerdil au Conseil d'Etat. Un retour d'ascenseur après le soutien de l'UDC aux candidates du PLR lors de l'élection générale, et une confirmation du virage à droite toute du PLR. De leur côté, les Syndicats patronaux (la FER) et les Verts libéraux soutiennent le candidat centriste, Xavier Magnin. Quant à la Chambre de commerce, elle, a annoncé qu'elle soutenait trois candidats (de droite, évidemment) à l'élection : ceux de l'UDC, du Centre et du MCG. Pour un seul siège en lice, c'est deux de trop, mais elle explique que ces trois candidats partageant au moins 80 % des positions de la Chambre, elle ne voyait pas pourquoi en privilégier un plutôt que les deux autres, même si les divergences entre eux restent notables (sur les bilatérales et le libre échange, par exemple)... Et de toute façon, assure la Chambre, les trois candidats se sont engagés à se retirer en faveur du mieux placé d'entre eux au second tour. Qui recevra donc aussi le soutien de la Chambre. Et des syndicats patronaux. Mais on ne se souvient pas avoir entendu le centriste dire qu'il était prêt à se retirer en faveur d'un udéciste ou d'un èmecégiste... mais on doit sûrement avoir un trou de mémoire, puisque son parti, tous états d'âme effacés, l'a cependant annoncé pour lui : si son candidat n'arrive pas en tête et est devancé par le candidat de l'UDC, le Centre soutiendra le candidat de l'UDC... à charge de revanche ?  Pas sûr... Quant au MCG, qui présente un inconnu, Maikl Gerzner, dont on se demande si la candidature n'a pas pour seul but de réduire l'électorat potentiel du candidat de l'UDC, il annonce qu'il soutiendra n'importe quel candidat contre le candidat du PS et des Verts.  

A gauche, la candidature commune des Verts et du PS, celle de Nicolas Walder, est confrontée à la candidature de Rémy Pagani, déposée par l'Union Populaire, sans soutien de la coalition de la  gauche de la gauche. Sans doute le Parti du Travail appelle-t-il "le peuple à se mobiliser pour faire barrage à la droite (Xavier Magnin, "candidat du patronat") et à l'extrême-droite" (UDC et MCG), et appelle-t-il "clairement à voter à gauche", mais il ne donne pas de mot d'ordre nominatif, et ne choisit donc pas entre Nicolas Walder et Rémy Pagani. Il ne choisir pas Nicolas Walder parce que la politique des Verts est  "trop modérée, "trop encline au compromis", et ne choisit pas non plus Rémy Pagani "parce que son bilan au Conseil administratif ne nous convainc pas", ni  "ce qu'il a montré de sa pratique du pouvoir". Bref, le Parti du Travail ne choisi pas au premier tour-(au second, il appelle cependant, comme d'ailleurs Rémy Pagani lui-même, à "soutenir sans réserve le candidat de gauche le mieux placé pour le second tour". 

Reste qu'il n'y a qu'un siège à pourvoir dans deux semaines et qu'on ne peut voter au premier tour à la fois pour Nicolas Walder et pour Rémy Pagani en job sharing, en co-magistrature,  ni pour Nicolas Pagani ou Rémy Walder. il faut donc choisir. On ne peut pas faire plus simple, plus simpliste, même. Mais en fonction de quels critères choisir ? On ne peut vraiment opposer la ligne politique affirmée par l'un et de l'autre, et ce qu'écrivent les deux Conseillers d'Etat socialistes de Nicolas Walder en nous appelant à nous  "mobiliser pleinement et avec enthousiasme et énergie" pour lui, n'est pas sans pouvoir s'appliquer aussi (toutes nuances gardées) à Rémy Pagani : "Ses combats sont aussi les nôtres : défense des locataires contre la spéculation, refus des cadeaux fiscaux aux personnes morales et physiques, opposition aux réformes inégalitaires des retraites, promotion du mariage pour toutes et tous, encadrement du secteur financier, engagement fort pour les droits humains ou encore la protection du climat"... Le choix entre les deux (qui en outre furent tous deux Conseillers administratifs chargés du même dicastère...) n'est donc pas clairement un choix de ligne politique. Plutôt un choix de rôle. 

Les fonctions tribunitienne et gouvernementale font mauvais ménage, et à exercer l'une en revendiquant l'autre, on risque fort de les mal assumer toutes deux, et en tout cas d'entraver chacune des deux par l'exercice de l'autre. Cela vaut pour Rémy Pagani comme pour Nicolas Walder. Et pour Rémy Pagani comme pour Jean-Luc Mélenchon.

On a voté pour Nicolas Walder. Etait-ce voter contre Rémy Pagani ? Non : c'était seulement ne pas voter pour lui. Pas cette fois. Pas pour ce poste. Et à charge de revanche.







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