La création d'une identité numérique en votation, le 28 septembre : Le boomer est perplexe...

 

Le 28 septembre, le peuple souverain et pas virtuel se prononcera sur un projet de loi sur l'identité électronique (e-ID, en globish dans l'acronyme), combattu par un référendum populaire. C'est la deuxième fois que la question lui est posée. La première fois, en 2021, le peuple avait rejeté une première loi, qui confiait la création d'un système d'identité à des entreprises privées. Leçon retenue : cette fois, la loi soumise à notre proverbiale sagacité confie à l'Etat le création d'un système public, gratuit facultatif et sécurisé d'identité numérique, avec des données stockées dans une application mise à disposition par l'Etat. Et on l'avoue, on est perplexe. Pas opposé, mais perplexe. Parce que la "numérisation" de la société, la disparition de la matérialisation des réalité et des rapports sociaux, nous inquiète (pour user d'un euphémisme). Et laisse sur le bord du trottoir devant le cyber café une part importante de la population de nos pays -et la majorité de la population humaine de cette planète. Et qu'on se demande s'il faut sauter dans tous les trains en marche avant d'avoir réfléchi où ils nous mèneraient... Cela ne nous conduit pas à refuser le projet de loi qui nous est proposé -mais cela nous conduit à hésiter à le soutenir. On a une excuse : on est boomer et notre première carte d'identité, c'était un carton bleu format A6 plié en deux...

La population a-t-elle vraiment besoin d'une ID-électronique ? 

"Permettre aux citoyen-nes de confirmer leur identité en ligne est une mission fondamentale de l'Etat", assure le Conseiller national vaudois Benoît Gaillard, dans le journal du PS suisse. Ah bon ? On s'autorisera à en douter. Et en tout cas, à douter que cet argument soit décisif dans le choix de notre prononcement sur le nouveau projet d'identité électronique soumis en votation dans trois semaines. Un "nouveau projet" dont les concepteurs ont compris (c'est le peuple qui le leur a appris il y a quatre ans) que l'introduction une E-id sans garanties suffisantes de protection de la vie privée et des données personnelles n'avait aucune chance d'être acceptée.  Considérant que l'introduction de passeports numériques étant inéluctable, il valait mieux, bien mieux, qu'elle soit sous contrôle public que livrée comme une marchandise à des multinationales le plus souvent américaines. Jusque là, on ne peut qu'être d'accord. Mais cet accord, avouons-le, ne suffit pas à emporter notre adhésion. 

Nous étions pourtant prêts à embrayer sur le mot d'ordre du PS, de soutenir le projet d'e-ID tel qu'il nous est soumis. Parce qu'en effet, comme l'écrit encore Benoît Gaillard, "si nous ne voulons pas être dominé-es ni par Trump et les oligarques des GAFAM, ni par l'autoritarisme chinois et ses plateformes qui aspirent nos données, nous devons nous doter de nos propres outils numériques, soumis à nos lois et à notre contrôle démocratique". Soit  : l'e-ID "Swiss made" est un acte de résistance à Trump, Poutine, Xi Jinping et Musk. Admettons. N'empêche : le discours du "on a pas le choix, c'est ça ou les monstres", lui non plus, ne suffit pas à nous convaincre de prendre en marche le train du numérique généralisé (et qui, s'agissant de l'e-ID suisse, restera tout de même piratable comme n'importe quel dispositif numérique).

"Face à une numérisation croissante de la société, il est capital pour une collectivité publique de ne laisser personne sur le bord de la route et d'offrir des solutions en adéquation avec les besoins de la population", écrivait le Conseiller administratif Sami Kanaan, en introduction du rapport d'activité 2022-2023 de la Direction des systèmes d'information et de communication de la Ville de Genève. Il est bon apôtre, notre Conseiller administratif sortant. Mais "la population" a-t-elle vraiment besoin d'une ID-électronique ? Et de quelle population parle-t-on, d'ailleurs ?

Dans la présentation par la Ville de Genève de sa "politique de transition numérique", on lit que "la transition numérique est pensée pour répondre aux attentes de la population et aux défis de notre temps", et qu'elle "repose sur des services publics efficaces qui peuvent satisfaire les besoins et savent s'adapter aux évolutions de la société". On reconnaît toutefois que "la transition numérique nécessite également un regard critique et un engagement public, car si elle est porteuse de progrès, elle recèle également d'importants enjeux de société : fracture numérique, protection des données personnelles et ouverture des données publiques, marchandisation et accaparement des informations, enjeux écologiques, éthiques et de santé". Et de lister les facteurs corrélés avec les compétences (ou les incompétences) numériques : le niveau de formation, la catégorie professionnelle, l'âge, le statut migratoire, la situation financière du ménage. Et si 36 démarches administratives avec la commune pouvaient être faites avec un ordinateur, une tablette ou un smartphone, selon une étude menés par l'OSEO en 2020, encore 70 % des adultes non francophones et 55 % des jeunes ne disposaient pas d'un ordinateur ou d'une tablette à la maison, contre 40 % des adultes francophones, 60 % des adultes non francophones ne disposaient pas d'internet à la maison, contre 20 % des adultes francophones. Sans doute en cinq ans ces proportions ont-elle changé, et le smartphone peut-il suppléer à une partie de ce que l'ordinateur permet, mais on aurait grand tort de considérer que toute la population vit dans le numérique comme une tanche dans la vase. Et attend l'introduction d'une identité numérique comme les  chtis nenfants celle du Père Noël. 






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