USA : retour de la chasse aux sorcières et du maccarthysme

Quand l'histoire bégaie

Aux USA,après l'assassinat de l'"influenceur" d'extrême-droite Charlie Kirk,  on ranime la chasse aux sorcières et le maccarthysme. L'histoire bégaie, et alors que tous les responsables et anciens responsables démocrates, de Barack Obama à Bernie Sanders ont condamné l'assassinat de Kirk, Trump accuse tous ses opposants d'être responsables de cet assassinat, Elon Musk proclame que "la gauche est le parti du meurtre" et Steve Bannon affirme que "nous sommes en guerre dans ce pays".  Trump se dit "empli de chagrin et de colère". Vance aussi. Ils sont en deuil. Ils ne l'étaient pas lors qu'en juin, la présidente démocrate de la Chambre des représentants du Minnesota, Melissa Hortman, et son mari étaient assassinés à Minneapolis. C'est qu'ils choisissent leurs morts. Et leurs coupables, quitte à les reformater. Mais au fond, peu leur importent la personnalité et les motivations du tueur. Pour Trump et les siens, il est déjà jugé et condamné, on n'attend plus que son exécution.   C'est le tué, ami du fils de Trump et du vice-président Vance,  qui importe : il faut faire "du grand et même légendaire Charlie Kirk" un "martyr de la vérité et de la liberté".  Il était surtout un rabatteur électoral fort efficace, à qui Trump doit sa percée dans l'électorat de la génération Z. Et qui avait pour ambition de faire durer le trumpisme après la mort de Trump (que Vance attend sans plus guère prendre de précautions pour le cacher). 

Bienvenue aux USA en 1984.

La figure de l'étranger est au coeur de ce qui tient lieu d'idéologie à Trump -mais cet "étranger" ne se définit pas seulement par sa nationalité : on peut être étasunien de souche et "étranger", ou (pire encore) "étrangère", pour peu qu'on soit de gauche ("libéral") ou transsexuel. Et on risque fort de l'être quand on est "noir" ou latino... Trump accuse ses opposants, et surtout "la gauche radicale" (qu'il définit fort largement, en y mettant Kamala Harris qui, dans nos pays, serait quelque chose comme une centriste molle)  d'être tous responsable du meurtre de Kirk en ayant "diabolisé ceux avec qui elle n'est pas d'accord". Comme si lui, dès la campagne électorale pour son premier mandat, avait jamais fait autre chose...

De quoi Donald Trump est-il le nom ? Le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom répond : d'un "président qui ne veut être encadré par aucune loi, ni aucune constitution, et qui mène une attaque en règle contre les traditions américaines (...) un président qui en un peu plus de cent quarante jour a supprimé les organismes de contrôle susceptibles de lui demander des comptes pour des actes de fraude et de corruption. Il a déclaré la guerre à la culture, à l'histoire, à la science, à la connaissance. (...) Il s'en prend au premier amendement de la Constitution des USA et délégitime les organes de presse. Sous la menace, il est en train de dicter ce que les universités ont le droit ou non d'enseigner. Il prend pour cible les cabinets d'avocats et le pouvoir judiciaire". Enfin, "la démocratie est prise pour cible. (...) Il n'y a plus d'équilibre entre pouvoirs et contre-pouvoirs. Le Congrès répond aux abonnés absents. (...) L'Etat de droit cède de plus en plus la place au fait du prince". Or "dans une démocratie, la fonction cardinale (...) n'est pas celle de président, et encore moins celle de gouverneur. La fonction cardinale, c'est celle de citoyen".  On pourrait, on devrait, ajouter que dans une société libre, la fonction de la création culturelle n'est pas de plaire au président, au monarque, au potentat, mais, d'une manière ou d'une autre, de dire ce que le créateur veut dire. Que cela plaise ou non. Sinon, on en revient à un programme d'épuration culturelle. Succédané ou Ersatz de celui exposé à à Munich en 1937 (dans le temps même de l'exposition du Guernica de Picasso au pavillon de la République espagnole), puis en tournée allemande et autrichienne,  d'oeuvres emblématiques de l'"art dégénéré"  (Entertete Kunst), inaugurée par Hitler, qui donne son programme : "A partir de maintenant, nous mènerons une guerre implacable d'épuration contre les derniers éléments de la subversion culturelle". Programme tenu : 1400 artistes allemands furent fichés par les nazis, interdit d'exposer leurs créations et d'enseigner leur art, menacés, exilés, déportés, assassinés de 1933 à 1945. dans une campagne permanente contre l'"art dégénéré", visant aussi des artistes étrangers, vivants (Picasso, Chagall) ou morts (Van Gogh).  Le régime nazi a purgé ses propres musées, limogé leurs directeurs, détruit, brûlé ou vendu vingt mille pièces. 

On n'en est pas là aux USA. Pas encore. Mais déjà, l'appel à projets du gouvernement pour sélectionner l'artiste qui représentera les EtatsUnis en 2026 à la Biennale d'art de Venise impose au candidat à une bourse de 375'000 dollars de certifier "qu'il ne gère aucun programme de promotion de la diversité, de l'équité et de l'inclusion". Des programmes d'épuration ethnique, d'injustice et d'exclusion, en revanche, ne posent aucun problème. D'ailleurs, ils sont au programme de Trump. Et au coeur de ses discours, de sa détestation de ce qu'il ne qualifie pas (encore) d'art, de culture, de mode vie, de relations amoureuses, de science aussi, "dégénérés" mais qu'il traite comme tels. En même temps, l'administation Trump s'attaque aux universités, à la presse, aux musées. et là, on n'est plus avec Goebbels dans la lutte contre l'"art dégénéré", mais avec Jdanov et Lyssenko dans l'élaboration d'une culture, d'un art, d'un mode de vie, d'une science d'Etat. Et on change de calendrier : bienvenue aux USA en 1984. 




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