Augmentation des jetons de présence des Conseillers municipaux de Genève : on ne votera pas

Prudent, mais piteux

Tétanisé par la vraisemblable déculottée qu'il allait prendre en votation populaire après l'aboutissement du référendum lancé par le Centre, les Verts libéraux, LJS et "LePeuple d'abord" de Philippe Oberson, le Conseil municipal a annulé la délibération par laquelle, lors de sa première séance après son élection au printemps dernier, il s'était accordé une augmentation de 25 % des jetons de présence de ses membres. Une annulation prudente, mais piteuse. Qui n'a que deux avantages : faire économiser à la Ville le coût d'une votation populaire, et lui faire économiser l'augmentation de la ligne budgétaire contenant la rétribution des membres du Conseil municipal. Pour le reste, cette reculade tient de la débandade. Ou du coïtus interruptus. 

Poser  les élus comme capables de faire mieux que défendre leurs intérêts les plus triviaux

Lors de sa première séance de la nouvelle «législature», début juin, le Conseil municipal de la Ville de Genève avait voté (ce fut même sa toute première décision...) une augmentation de 25 % des jetons de présence de ses membres, qui seraient passés de 110 à 137,50 francs de l'heure de commission (soit plus que ce que touchent les députés au Grand Conseil -qui, il est vrai, se réunissent plus souvent), ce qui aurait coûté 500'000 francs de plus par an (soit 2,5 millions sur une "législature") à la Ville, de quoi contribuer au financement de la gratuité des abonnements TPG pour les rentiers AVS et les AI -ou réduire le déficit budgégtaire. Les Conseillères municipales et les Conseillers municipaux de la Ville de Genève s'étaient votés à eux-mêmes cette augmentation de leur rémunération au prétexte que leur charge de travail aurait augmenté (ce dont on avoue ne pas s'être aperçu en seize ans de mandat au Conseil municipal...), et que cette rémunération n'avait pas été augmentée depuis 2011 et avaitdonc été grignotée par l'inflation (sauf qu'il n'y a pas eu 25 % d'inflation en quatorze ans, mais plutôt trois fois moins...). Un référendum avait été lancé contre cette décision et avait abouti. Le peuple de la Ville aurait donc dû voter sur la décision du Conseil municipal d'augmenter la rémunération de ses membres. La décision ayant été annulée mercredi par le même Conseil municipal qui l'avait prise, le peuple ne votera pas (sauf annulation de la décision annulant l'augmentation, puisqu'il est contestable que le Conseil municipal puisse puisse aussi facilement annuler l'une de ses décisions que le Grand Conseil le peut), et on le regrette : on aurait voté «non», parce que cette augmentation était matériellement injustifiée et symboliquement désastreuse. Et qu'on se demande comment celles et ceux qui l'ont prise auraient pu la justifier avec un budget municipal qui s'annonce déficitaire...

Cela posé, le système de rémunération des élus au Conseil municipal de la Ville mérite d'être revu. D'abord, parce qu'il est un subventionnement public aux partis politiques qui ne dit pas son nom et consiste à faire prélever par la Ville elle-même une part des jetons de présence versés aux membres du Conseil municipal pour l'attribuer directement à leurs groupes respectifs. Ensuite parce qu'il n'est pas défendable de rémunérer les membres du Conseil municipal à un niveau horaire de plus du double de la moyenne ou de la médiane du traitement du personnel de la Ville. Et qu'à contrario, il serait parfaitement défendable de décider que la rémunération horaire des élus soit fixée à la médiane de l'échelle des traitements de la fonction publique municipale. Juste avant de quitter le parlement municipal de la capitale mondiale du monde mondial, on y avait déposé une proposition visant à «ne plus confondre jetons de présence et subvention aux partis». Rémunérer les élues et les élus pour le travail qu'ils et elles font est parfaitement légitime. Subventionner les partis politiques et les groupes parlementaires pour leur rôle dans la vie démocratique, est tout aussi légitime. Mais les deux démarches ne doivent pas se confondre. La solution proposée aurait eu pour conséquence qu'en même temps que seront versés aux membres du Conseil municipal leurs jetons de présence, serait versée à leur groupe une contribution équivalant à la moitié des jetons de présence versés à l'ensemble des membres du groupe, le principe étant de dissocier les jetons de présence accordés aux élus d'une contribution aux groupes et partis. Les groupes et partis pourraient continuer à prélever eux-mêmes une contribution sur les jetons de présence de leurs élus , mais la Ville n'a pas à le faire à leur place. Par ailleurs, la proposition faite ne changeait rien à la compétence du Conseil municipal de fixer lui-même la rémunération et les indemnités de ses membres. Elle permettait d'ailleurs de les réduire... En oubliant sans doute que cette augmentation doit être financée par une augmentation de la ligne ad hoc sur le budget de la Ville, et qu'il est donc possible, en réduisant cette ligne, de réduire effet de cette augmentation, par exemple en contraignant les commissions du Conseil municipal à réduire le nombre de leurs réunions et des"relevées" de ces séances...

Une proposition de ce genre permettrait de déplacer "vers le haut" le débat sur les jetons de présence et de poser  les élus comme capables de faire mieux que défendre leurs intérêts les plus triviaux : mener un débat de fond sur le financement des partis politiques par les budgets publics...  Inutile de dire (mais on le dit quand même), que cette proposition a été refusée par le même Conseil municipal qui s'était accordé (avant de l'annuler) une augmentation de sa propre rémunération...

On était naïf. Mais après tout, avoir encore des illusions politiques après un demi-siècle de militance et seize ans de parlementarisme local, c'est attendrissant, non ?

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