Election complémentaire genevoise : lutte des classes

Le soutien patronal à l'UDC est ainsi une sorte de clarification en forme de rupture : il montre que la FER "ne souhaite plus s’embarrasser des règles, c'est un basculement". Car en effet, au niveau suisse l'UDC "combat les conventions collectives de travail, les syndicats, les mesures d'accompagnement à la libre circulation elle-même" et à Genève "tente de faire porter la responsabilité de la pénurie de logements et toutes sortes de maux sociaux sur les migrants", s'est opposé à l'opération de régularisation Papyrus et défend une politique qui produira, si elle est menée, "davantage de clandestins". Car l'extrême-droite, en réalité, "ne veut pas moins de migrants, mais cherche à en faire des travailleurs corvéables, dont on se défait dès qu'on n'en a plus besoin". La politique migratoire de l'UDC, c'est un véritable appel au dumping salarial et social, à la création d'un stock de travailleuses et de travailleurs sous-payés, sous-protégés, qui pèsera sur les salaires et les droits sociaux de tous les autres travailleurs et travailleuses suisses, indigènes ou immigrants statutaires. La lutte des classes, en somme. Et une lutte des classes déclenchée par le patronat, dont on avait oublié qu'il pouvait en être friand, quand il pensait pouvoir en être le gagnant...

"Désormais, à Genève aussi, il n'y plus beaucoup de différences entre le PLR et l'UDC"

L'entrée au gouvernement d'un parti encore aussi marginal que l'UDC à Genève serait un peu comme l'arrivée d'une soucoupe volante à Cointrin. Mais elle est possible, parce que derrière l'UDC, il y a les syndicats patronaux, la Chambre de commerce, le PLR, le MCG et l'aile droite du "Centre". A contrario, l'entrée de UDC au Conseil d'Etat en y éjectant les Verts, électoralement plus importants qu'elle, serait une lourde défaite pour eux qui sont gouvernementaux depuis bientôt trente ans, et pour toute la gauche politique et syndicale. Et ce serait une sorte d'incongruité politique, compte tenu des prises de positions récurrente des Genevois et voises dans quasiment toutes les votations. Des prises de position majoritaires radicalement contradictoires de celles, homophobes, xénophobes, misogynes, répressives du parti de Lionel Dugerdil. Lequel prêchait dans le "Matin Dimanche" de dimanche :  "On est quand même dans une société judéochrétienne et je pense qu'il ne faut pas oublier nos fondamentaux". On n'oubliera donc pas les nôtres -ceux de la société née des Lumières et des révolutions, de la construction de l'Etat social, de la démocratie, et de la démolition des murailles.

La Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) appelle à voter pour Nicolas Walder et à "faire barrage à l'extrême-droite". Elle le fait avec d'autant plus de conviction, et de sentiment d'urgence, que la Fédération des entreprise romande (FER) soutient le candidat de l'UDC, et que ce soutien au candidat Dugerdil signifie pour les syndicats le soutien du patronat genevois au candidat d'un parti qui "se place systématiquement contre toute régulation du marché du travail" et s'oppose au salaire minimum, aux "mesures d'accompagnement à la libre circulation (et à) la libre circulation elle-même" montre que les organisations patronales ont rompu avec "un consensus politique où, à l'exception de l'UDC, "partis, patronat et syndicats s'accordaient sur la nécessité d'un cadre légal solide permettant un contrôle du marché du travail pour éviter le dumping salarial et que des entreprises peu scrupuleuses fassent une concurrence déloyale aux autres". Mais "Désormais, à Genève aussi, il n'y plus beaucoup de différences entre le PLR et l'UDC", observe-t-on à la CGAS, qui rappelle le soutien du PLR au candidat de l'UDC, lequel ne cache pas sa satisfaction : "Pendant sa campagne, le candidat du Centre disait qu'il était le candidat de l'économie. Aujourd'hui, le candidat de l'économie, c'est moi" plastronne Lionel Dugerdil dans "Le Matin Dimanche" de dimanche dernier. Parce que quand on dit "économie", à droite, on veut dire, bien sûr, "patronat". Ou plus simplement, "nous". Luis rappeler et rappeler à ceux qui considèrent qu'ils sont, eux et eux seuls, l'"économie", qu'elle est l'ensemble des faits relatifs à la production, la distribution, la consommation des richesses dans une société (y compris le mendiant devant la Migros, le dealer devant l'Usine et le Black Block sur le Pont du Mont-Blanc) est sans doute une perte de temps -on se contentera donc de souhaiter au nouveau "candidat de l'économie" le même sort électoral que celui de l'ancien, leur mérite à l'obtenir étant égal.

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