Ouverture dominicale des magasins et fermeture démocratique du gouvernement

Voter pour beurre (rance) ?

Le 30 novembre, à Genève, on devait voter sur une modification de la loi sur l'ouverture des magasins, autorisant leur ouverture trois dimanche par an et le 31 décembre. Une modification décidée par la majorité de droite du Grand Conseil, et combattue par un référendum des syndicats et de la gauche. Et le Tribunal fédéral s'était invité dans le débat, en jugeant que la loi actuelle (celle que la droite veut modifier) violait le droit supérieur en faisant dépendre l'ouverture dominicale de l'existence d'une convention collective. Deux organisations patronales avaient fait recours au Tribunal fédéral contre une décision de la Cour de Justice cantonale qui avait annulé une autorisation d'ouverture des commerces le 31 décembre sans qu'une CCT soit en vigueur. Du coup, le peuple avait le choix entre deux positions, claires et nettes : accepter la nouvelle loi (celle votée par la droite) qui supprime la condition  conventionnelle à l'ouverture dominicale, ou la refuser (comme les syndicats et la gauche le recommandait), ce qui aurait pour effet possible de supprimer complètement l'article sur les ouverture dominicales, et donc la possibilité de ces ouvertures. C'était et c'est toujours ce à quoi on appelait et appelle encore le peuple des consommateurs éclairés. Merci, donc, au TF et au patronat recourant. Et au Conseil d'Etat qui les a gratifiés de l'annulation d'un vote qui aura tout de même lieu puisque le bulletin de vote le comportera mais sera sans conséquence puisque le Conseil d'Etat a décidé de ne pas le dépouiller. Un vote pour beurre (rance), et assez douteux d'un strict point de vue juridique, parce qu'un bulletin de vote proposant un objet retiré du vote devrait être considéré comme un bulletin nul, et que si tous les bulletins de vote sont dans ce cas, c'est tout le scrutin qui devrait être annulé... "La votation était devenue illisible", soupire la Conseillère d'Etat Delphine Bachmann. La votation, non, son enjeu était clair. Mais son annulation, elle, est illisible. Surtout quand on prend les citoyennes et les citoyennes pour des imbéciles incapables de saisir les enjeux de leurs votes. A défaut de pouvoir réellement décider de l'ouverture dominicale des magasins, le peuple ne devrait-il pas être convié à décider de la fermeture démocratique de son gouvernement ?

En démocratie, seul le peuple peut lever les doutes sur les lois

ça nous manquait, une bonne grosse Genferei de derrière les fagots du bûcher des vanités... Le Conseil d'Etat nous en a offert une mercredi, et une belle : il a annulé la mise en votation, le 30 novembre, de la modification de la loi sur l'ouverture des magasins, au prétexte que le Tribunal fédéral avait, lui, annulé une disposition de la loi actuelle conditionnant l'ouverture dominicale et le 31 décembre à l'existence d'une convention collective de travail. Le TF n'avait pourtant pas annulé la votation -mais le Conseil d'Etat a décidé de le faire à sa place. La modification avait été combattue par un référendum lancé par les syndicats. En bonne démocratie semi-directe, il fallait donc que le gouvernement organise la votation. Mais le gouvernement, n'en voulait pas de cette votation. Parce que son résultat probable, dans la suite des votes populaire déjà acquis, lui déplaisait. Alors il l'a annulée -ou plutôt repoussée d'un an (au maximum) en considérant nécessaire d'avoir de nouveaux débats législatifs "sereins et éclairés"... Des débats "sereins et éclairés" avec le Grand Conseil dont Genève s'est gratifiée ? On rêve... Cela étant, les bulletins de vote étant déjà imprimés, il comporteront une case concernant l'objet sur lequel nos Magnifiques Seigneurs ne veulent plus qu'on vote. On sera par le bulletin de vote invités à voter sur un objet pour lequel le Conseil d'Etat annonce que le vote ne sera pas dépouillé. Original. Genevois, quoi. Et pour l'élection partielle de dimanche, notre vote sera-t-il pris en compte, ou, s'il déplaît aux syndicats patronaux, le Conseil d'Etat s'apprête-t-il à l'annuler ? 

En attendant, puisque le bulletin de vote qu'on va recevoir pour le 30 novembre contiendra la question portant sur l'ouverture dominicale des magasins, on vous invite à y répondre quand même (et à y répondre «non»). En attendant un éventuel recours contre la décision bananière d'annuler ce vote. Ou une éventuelle initiative pour virer de la loi actuelle la disposition autorisant des ouverture dominicales et restauratrice. Et, dans tous les cas, un nouveau vote puisque le référendum a abouti et que la question de l'élargissement des jours d'ouverture des magasins reste posée. Et que cet élargissement ne serait qu'un premier pas fait en piétinant les travailleuses et les travailleurs du secteur. Peu importent ces ilotes : ils et elles ne comptent pas. D'ailleurs, une bonne partie d'entre elles, peut-être même la majorité, n'ont même pas le droit de vote.

Le 30 novembre, on votera quand même. Et on votera non. Contre une ouverture dominicale des magasins sans garde-fou conventionnel. Contre le consumérisme pathologique. Contre l'annulation d'un vote qui, quelque en aurait été l'issue, aurait été une clarification, et un mandat donné pour revoir la loi et redonner la parole au peuple. Lequel, en démocratie, est le seul qui puisse lever les doutes sur les lois. Et sur les gouvernants.

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