Refus de la droite d'entrer en matière sur le budget de la Ville de Genève ? Bof...

Ni glas, ni tocsin.  

On n'avait sonné ni le glas, ni le tocsin quand le Conseil administratif de la Ville prévoyait dans son projet de budget un déficit de 62 millions, qui aurait presque été absorbé par les recettes si elles n'avaient pas été réduites par les cadeaux fiscaux cantonaux. Ni glas, ni tocsin parce qu'un projet de budget n'est pas un budget, qu'un projet de budget puis un budget, ne sont que des autorisations de dépenses fondées sur des hypothèses de recettes  que la situation réelle de la collectivité publique n'est donnée que par ses comptes et qu'un déficit budgétaire n'a de l'importance que pour ceux qui veulent lui en donner, mais se contrefoutent des  besoins sociaux, des inégalités , de la crise environnementale. Dès la présentation du projet de budget de la Ville par son Exécutif, on avait dit faire «confiance à la droite municipale, aléatoirement coagulée de l'UDC aux Verts libéraux, pour refuser d'entrer en matière sur le projet» du Conseil administratif. On ne prenait pas grand risque à l'annoncer  (ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'elle se livrait à cet exercice) et il n'y a pas grand danger à ce refus. La vie politique municipale ne s'est pas arrêtée lundi en fin d'après-midi, quand la droite a refusé d'entrer en matière, sur le projet du Conseil administratif, et donc refusé de l'étudier et d'en débattre. Ce projet est refusé d'entrée par 41 voix contre 36 (le président ne vote pas et une ex-socialiste a voté avec la droite) ? Bof... le Conseil administratif en présentera un autre. Qui pourra (c'est ce qu'immodestement, on lui suggère) ressembler comme deux gouttes de Gamay au premier, parce que les réalités auxquelles est confrontés la Ville, et les urgences sociales et environnementales auxquelles elle doit répondre, ne se sont pas dissoutes en même temps que le sens des responsabilités politique de l'aléatoire majorité du Conseil municipal. De toute façon, un budget, la Ville en aura un. Ce sera le budget 2026 qu'adoptera le Conseil municipal (et contre lequel on pourra lancer un référendum s'il atteint aux engagements sociaux, culturels, environnementaux de la Ville), ou, à défaut, le dernier budget qu'il aura adopté -celui de 2025, découpé en douze tranches mensuelles. Et c'était le budget de la gauche...

«la droite la plus bête du monde»... ou la plus inutile ? 

La droite municipale a refusé d'entrer en matière sur le projet de budget 2026 ? On n'en attendait rien d'autre, et ce n'est pas la première fois qu'elle refuse de faire le travail pour lequel les conseillers et conseillères municipales (y compris les siennes et les siens) ont été élu.e.s : débattre, modifier et adopter le budget.

Le Conseil administratif proposait un budget déficitaire de 61,2 millions, alors même que les revenus de la Ville augmenteraient plus que ses charges (26 millions contre 17). Mais les cadeaux fiscaux accordés par le canton (baisses des impôts sur les bénéfices des grosses entreprise, sur le revenu, sur la fortune...) ont privé la Ville de 53 millions de recettes. Sans ces cadeaux fiscaux,  le plan de retour à l'équilibre budgétaire présenté il y a quelques mois, qui autorisait un déficit de 46,2 million aurait, été tenu et sans la baisse prévisibles de rentrées due aux effets des taxatrumps, le budget aurait même été positif pour une dizaine de millions... sauf que le canton est prêt à lâcher encore un paquet merdeux dans les jardins budgétaires des communes : le report sur les communes d'une partie du coût pour le canton de Genève (seul canton romand à la financer) de la péréquation financière intercantonale. Pour la Ville, ce paquet pèserait 44 millions de déficit supplémentaire.

Le projet de budget refusé par la droite prévoyait 52 nouveaux postes pour la petite enfance. C'était prendre en compte à la fois les besoins de la population (en l'occurrence, des familles de petits enfants) et le choix politique de la municipalisation du secteur -un choix qu'abhorre la droite coagulée, et qui à lui seul peut expliquer qu'elle ne veut même pas en débattre, ne serait-ce que parce qu'elle sait que si on le soumettait à la population, elle le ratifierait. Comme elle ratifierait un budget finançant l'accueil parascolaire, la création de places en crèches, l'offre de logements sociaux, le pluralisme de l'offre culturelle, la végétalisation de la ville, le renforcement des aides sociales... et refuserait un budget n'assumant pas ces choix.

Et maintenant ? Le Conseil administratif devra proposer un nouveau budget, quand il aura pris connaissance des dernières estimations fiscales produites par le canton (car c'est le canton qui estime les rentrées fiscales de la commune, après les avoir réduites...). Et on ne s'attend pas à ce qu'elles soient favorables. Si ce projet de budget ressemble à celui qu'elle vient de refuser, la droite n'aura que le choix de se déjuger ou de refuser d'étudier le deuxième projet pour les mêmes déraisons qu'elle a refusé d'étudier le premier. Et si ce deuxième projet ressemble à ce que la droite espère, attend ou propose (à supposer qu'elle soit capable de proposer quoi que ce soit) et est finalement adopté, avec des coupes dans les engagements sociaux, culturels et "patronaux" (les mécanismes salariaux dont bénéficie son personnel) de la Ville , ce sera la gauche qui s'y attaquera, au Conseil municipal puis devant le peuple, par référendum comme ce fut le cas lorsque la droite était déjà majoritaire au Conseil municipal. Ces référendums furent tous gagnés par la gauche. Le sort réservé aux «lois corsets» par le peuple, il y a deux semaines, laisse assez peu de doutes sur celui qu'il réserverait à un budget de droite qui couperait dans les dépenses sociale et culturelles de la Ville... Et puis, quand la droite renâcle devant l'obstacle d'un débat démocratique au Conseil municipal, il faut bien que la gauche le lance dans la population. 

La gauche a annoncé qu'elle ne voterait aucun budget de casse sociale. Et qu'elle irait au référendum contre des coupes dans les engagements sociaux et environnementaux de la Ville (on ajoutera à ces totems les engagements culturels). Il faut qu'elle tienne cet engagement, face à une droite démissionnaire de ses propres responsabilités, et entraînant le Conseil municipal dans cette démission. Pour le PLR, c'est au Conseil administratif "de faire le travail" budgétaire. Ah bon ? Que faire alors de la commission des finances du Conseil municipal, chargée d'étudier, d'amender de finaliser le projet de budget ? La dissoudre ? La fusionner avec la commission des pétitions ? Et que faire du Conseil municipal lui-même, chargé de l'adopter, le budget, après en avoir débattu et de l'avoir amendé ? Après tout, à Vernier, il n'y a plus de Conseil municipal (jusqu'au 30 novembre) depuis l'annulation de son élection au printemps dernier, et il y a toujours une commune. Et même un budget -celui de 2025 découpé en douze tranches mensuelles... 

Le PLR, le MCG et l'UDC se disent "ouverts au dialogue"... entre eux ? Etre majoritaires dans une instance (le Conseil municipal de la Ville ou le Grand Conseil de la République, par exemples), comme l'est la droite genevoise quand elle se coagule du «centre» à l'extrême-droite,  ne sert à rien  si on ne sait pas quoi faire de cette majorité. Sinon, à Genève, espérer être sélectionnés pour la grande finale du grand concours de «la droite la plus bête du monde». Avec de bonnes chances d'au moins réussir dans ce concours-là. Ou dans celui de la droite la plus inutile. 

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