Initiative populaire "pour une Suisse qui s'engage" : "Service citoyen" ? arnaque incivile !
Au menu référendaire de dimanche, on a une initiative qui proclame joliment être "pour une Suisse qui s'engage", et qui propose, moins joliment, l'instauration d'un "service citoyen" obligatoire, pour tout personne de nationalité suisse, les femmes comme les hommes. Ce service, elle le définit comme un service "en faveur de la collectivité et de l'environnement" -mais en réalité, c'est un service en faveur d'un regonflement des effectifs de l'armée et de la protection civile -ce que le Conseil fédéral lui aussi veut faire, en réduisant les possibilité de choisir un service civil plutôt que militaire ou de protection civile, et en imposant aux "civilistes" l'obligation de faire une partie de leur service dans la protection civile. Si l'initiative devait être acceptée (hypothèse peu vraisemblable, si on en croit les derniers sondages), 70'000 personnes de plus qu’actuellement seraient astreintes à une obligation de servir, l’initiative prévoit même la possibilité de l'étendre aux personnes de nationalité étrangère. En clair : on n'a pas affaire à une proposition de "service citoyen", mis à une arnaque incivile.
"Redonner du sens à l'engagement"en le rendant obligatoire ?
Que chacun.e puisse s'engager pour la collectivité, et pour les autres, comme il ou elle le souhaite, là où il ou elle le souhaite, est une chose. Que l'on réduise cet noble objectif à celui, bien plus trivial, de regonfler les effectifs de notre glorieuse armée et ceux de notre utile (elle...) protection civile, en y incorporant les femmes (voire les étrangers) avec une obligation d'y servir, en est une autre. Le "service citoyen" proposé au vote populaire dimanche supprimerait, de fait, le service civil. Elle prescrit que toute personne de nationalité suisse, femme ou homme, soit tenue d’accomplir un service militaire ou un service reconnu comme équivalent par la loi. Elle garantit les effectifs de l'armée et de la protection civile. En revanche, elle ne garantit pas le libre choix du service à accomplir par la personne qui devrait l'accomplir : c'est la loi qui y pourvoira. Or la loi est faite par le parlement. Et le parlement fédéral est à large majorité de droite. Et cette majorité aime l'armée, pas le service civil. Et cette majorité est masculine. Comme dans l'armée, puisqu'actuellement, l'obligation de servir dans l'armée ou la protection civile n'est imposée qu'aux hommes, comme la possibilité d'un service civil une fois et demi plus long que le service militaire, ou de payer une taxe militaire si on ne sert pas, ou d'aller en prison si on ne paie pas. Et le parlement a chargé le Conseil fédéral de fusionner la protection civile et le service civil dans un service de "protection contre les catastrophes", obligatoire pour les hommes suisses qui ne font pas leur service militaire, mais ouvert aux femmes volontaires.
L'initiative pour un "service citoyen" va plus loin : étend l'obligation d'un "service citoyen" aux femmes. Comme si leur travail non rémunéré de soins aux proches n’était pas, déjà, un service citoyen... Le Conseil fédéral ne veut pas de cette extension, du moins pas encore. Mais s'il n'en veut pas, ce n'est pas pour des raisons de principe, c'est parce que ça coûterait trop cher. D'ailleurs, "l'économie" aussi s'en inquiète : les absences de personnel féminin qu'elle provoquerait, et qui dureraient plusieurs semaines, voire plusieurs mois, obligeraient les entreprises à les remplacer, et souvent à devoir former ce personnel supplétif. "Les coûts supplémentaires pour l'économie seraient énormes", prévient la Chambre genevoise de commerce, d’industrie et des services. Eh oui, "l'économie", c'est des gens qui travaillent, pas une abstraction financière... Cependant, le gouvernement aimerait bien que plus de femmes s'engagent volontairement dans l'armée -et du coup, à défaut d'une obligation de servir, il prévoit d'imposer une obligation de s'informer : les femmes seraient tenues de participer à la journée d'information sur l'armée (et le peuple devra acquiescer, puisque il faudra modifier la Constitution), à laquelle seules 1200 femmes assistent. actuellement. La Conseillère fédérale Viola Amherd avait pour objectif une armée composée de 10 % de femmes (d'autres pensent qu'il faudrait former des unités totalement féminines), or on est loin : à moins de 2 %. Parce que l'armée reste un milieu d'hommes, dégoulinant de machisme, de sexisme, de masculinisme, de discriminations (et souvent aussi d'homophobie) : en 2024, un rapport sur les violences sexuelles et sexistes au sein de l'armée ne révélait-il pas que 80 % des personnes sondées disaient en avoir été victimes.
Dans la "Julie", le Secrétaire général du Centre -Genève attribue à l'initiative pour un "service citoyen" la vertu de "redonner du sens à l'engagement". En le rendant obligatoire ? Comme si les Suisses, et surtout les Suissesses, et jeunes puisque ce sont ils et elles qui sont concernée.s, avaient attendu qu'on leur en donne l'ordre pour "s'engager". Le Service civil, que le gouvernement veut rendre plus difficilement accessible (un référendum est lancé contre cette tentative) parce que trop de jeunes hommes le préfèrent au service militaire, est d'ailleurs lui-même un moment d'engagement citoyen : plutôt que l'attaquer, il vaudrait mieux le renforcer plutôt que bidouiller un "service citoyen" obligatoire.



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