Pseudo-négociations de la Suisse avec les USA sur les taxes douanières : On paie quoi, à qui ?

Tout ça pour ça ? Finalement, la Suisse aurait (peut-être, mais on n'en est même pas sûrs) obtenu ce que l'Union Européenne avait obtenu depuis des mois : la réduction (ou sa promesse) à 15 % des taxes imposées par Trump aux importations suisses. Et pour en obtenir la promesse, la Suisse a compris qu'on ne négociait pas avec Trump comme on négocie avec un chef d'Etat, mais comme on achète les faveurs d'une péripatéticienne. La "Tribune de Genève" de samedi s'interroge : "Berne obtient une baisse des taxes de Trump. A quel prix ?"... Pour commencer, au moins 200 milliards de dollars d'investissements aux USA,  une Rolex, un lingot et un "merci président Trump" du Conseil fédéral. ça fait cher la passe, dirait Grisélidis si elle était encore des nôtres... Le Conseiller fédéral Guy Parmelin l'assure, tout fringant au retour de Ouachinguetonne, et félicité par son parti : "La Suisse n'a pas vendu son âme au diable". Bien sûr que non : un Etat n'a pas d'âme, une économie non plus, elles n'ont que des intérêts. Et en l'occurrence, pas beaucoup de dignité. Mais Parmelin est satisfait, et croit que le Conseil fédéral aussi est satisfait. Satisfait de quoi ? De ce qu'après quatre mois de marchandages, la Suisse espère se retrouver au niveau de l'Union Européenne, avec 15 % de droits de douane quand elle n'en subissait souvent aucun, ou parfois à 7 ou 9 %. C'est de cela qu'il faudrait se féliciter, sans même savoir ce qu'il va falloir payer, et à qui, pour en arriver là.  Le PS demande que toutes les contreparties, tous les petits cadeaux qui entretiennent l'amitié, accordés par la Suisse à Trump soient rendus publics. Ce serait la moindre des choses, puisqu'il va bien falloir, à un moment ou un autre, se prononcer sur cette étrange transaction, mi-mafieuse mi-michetonneuse.

Il n'y a pas encore d'accord tarifaire entre les USA et la Suisse

La Suisse s'était retrouvée, avec le Brésil et l'Inde, l'économie la plus taxée par Trump. Et le gouvernement suisse le moins disposé à résister au taxateur. Le pèlerinage du 8 août de Keller-Sutter et Parmelin à Washington avait été un fiasco, mais le Conseil fédéral était prêt à toutes les génuflexions : nouveaux contrats d'armement, achat de pétrole et de gaz, renoncement à taxer les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) comme le fait par exemple, à 3 %, la France qui en a tiré 785 millions d'euros, ouverture du marché suisse à l'importation de boeuf aux hormones et de poulets chlorés interdits en Union Européenne. Une production de masse, nuisible à l'environnement, d'une viande malsaine mais bon marché.  Une ouverture "absolument inacceptable" pour les producteurs suisses de volaille. Les milieux agricoles suisses sont d'ailleurs inquiets, et ont quelques raisons de l'être : la Suisse aurait accepté d'importer chaque année 1000 tonnes de viande de bison, 1500 tonnes de viande de volaille, 500 tonnes de viande de boeuf, de simplifier l'imposition de produits laitiers américains. Et quelques questions de souveraîneté se posent pour le dessert : Trump voudrait que la Suisse s'associe à des sanctions contre la Chine, et l'achat d'armes américaines renforcerait encore la dépendance de l'armée et du gouvernement suisses à l'égard du complexe militaro-politico-industriel étasunien. Pour le socialiste vaudois Samuel Bendahan, ces renoncements reviendraient "à s'humilier soi-même après avoir été méprisé par Trump et les oligarques milliardaires qui contrôlent le régime américain et les géants du numérique. (...) Leur donner ce qu'ils veulent, c'est les encourager à exiger encore plus". On se réjouit d'entendre l'UDC à ce propos, elle qui a hautement félicité "son" Conseiller fédéral de sa brillante négociation avec les Etats-Unis, tout en gardant un silence de caveau de famille politique sur ses implications pour la neutralité et la souveraineté (sacrées) de l'Helvétie...

Depuis l'annonce des 39 % de taxes infligées par Trump à la Suisse, à droite on plaidait à la fois pour une réduction des "charges des coûts pesant sur les entreprises" et une "union sacrée pour sauver notre économie", pas moins. Mais la sauver de quoi, au juste? Certes, les commandes des entreprises suisses de l'industrie des machines ont baissé de 13 % depuis l'annonce des taxatrump (le secteur des machines, des équipements électriques et des métaux exporte 75 % de sa production, dont 15 % aux USA), mais l'économie suisse dépend-elle des exportations de l'industrie des machines ? Sa faîtière, Swissmem, veut en convaincre, et appelle le Conseil fédéral et les Chambres fédérales à "améliorer les conditions-cadres et sauver les emplois". Et les profits. Et agite la menace de délocalisations de grandes entreprises aux Etats-Unis, UBS y ajoutant la menace sur 15 à 20'000 emplois. 

Il n'y a pas encore d'accord tarifaire entre les USA et la Suisse. Ce qui a été annoncé à grand renfort de cor des alpes au retour de Guy Parmelin de son escapade américaine n'est qu'une déclaration d'intention, qui devra se concrétiser dans un traité, soumis en Suisse au parlement fédéral et au référendum, à l'issue très incertaine. Quant aux Etats-Unis, une cour d'appel fédérale avait jugé le 29 août qu'une grande partie des droits de douanes imposés par Trump l'avaient été illégalement et étaient donc eux-mêmes illégaux, la loi ne donnant pas au président le pouvoir d'imposer des droits de douane et autres taxes. L'exécution du jugement a été suspendue, les droits de douane sont donc, même illégaux, restés en place, mais on attend dans les jours à venir la décision définitive de la Cour Suprême. Si elle annule les taxes, on en revient à la situation d'avant la frénésie douanière de Trump, avec des taxes réduites, ou pas de taxes du tout. Si elle les confirme, il faudra encore savoir lesquelles elle confirme : celles à 39 % ou celles à 15 % ? L'administration étasunienne doit de toute façon opérer, souverainement (quoi que la Suisse en pense)  des adaptations douanières. Et tout cela va prendre... comment dire ? Disons, "un certain temps". Le temps de humer la sauce à laquelle les brillants négociateurs suisses ont accepté que la Suisse allait être bouffée, ou le temps de refuser cette amère pitance ? 

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