Un immigrant socialiste et musulman élu Maire de New-York
Post Tenebras Lux ?
Zohran Mamdani cumule tout ce que Trump et ses groupies détestent : Il a 34 ans, il est né en Ouganda dans une famille d'intellectuels d'origine indienne (il est le fils de la réalisatrice Mira Nair, Caméra d'or à Cannes et Lion d'or à Venise...), il avait sept ans quand il a immigré aux USA, il n'est citoyen étasunien que depuis sept ans, il est musulman et socialiste ("communiste", selon Trump),... et il va être Maire de New-York, après avoir remporté, contre un dissident démocrate soutenu par Trump une élection qui a vu la plus haute participation depuis soixante ans : deux millions de personnes ont voté (80 % de plus qu'il y a quatre ans), la majorité d'entre elles pour élire un anti-Trump, malgré les dizaines de millions de dollars dépensés par des milliardaires comme Bill Ackman ou Michael Bloomberg pour , résume Mamdani,"convaincre ceux qui gagnent 30 dollars de l’heure que leurs ennemis sont ceux qui gagnent 20 dollars de l’heure». Le jour de son élection, à la majorité absolue des suffrages, fut aussi un jour noir pour Trump au New Jersey et en Virginie, où deux démocrates ont été élues, avec des avances considérables, comme gouverneures, et en Californie où le peuple a approuvé un nouveau découpage électoral favorisant les Démocrates, en réponse à l'adoption au Texas d'un découpage électoral favorisant les Républicains. Post Tenebras Lux : "En cette période d'obscurité politique, New York sera la lumière" a proclamé Zohran Mamdani, pour qui la ville allait "montrer à une nation trahie par Donald Trump comment le vaincre". Ce sera sans doute plus difficile dans l'Amérique profonde que dans la Grande Pomme, mais les victoires démocrates au New Jersey, et surtout en Virginie, montrent que ce n'est pas un rêve, mais une possibilité -comme celle de refaire de New-York autre chose que ce que "la longue nuit du néolibéralisme" en a fait, pour reprendre les mots de l'essayiste Jeremiah Moss.
Une étincelle dans le Bronx ne met pas forcément le feu à tout le middlewest
Elu (ou réélu après un intermède Biden) il y a un an, Trump a cru, et sans doute croit-il encore, pouvoir tout se permettre : déséquilibrer les pouvoirs, lancer des troupes armées dans les villes démocrates, organiser une chasse aux immigrants, déclencher une guerre commerciale mondiale, mais la semaine dernière, il est tombé sur un os électoral : l'élection à la Mairie de New York de son exact contraire : Zohran Mamdani. Il a pourtant tout tenté pour l'empêcher : il a soutenu son adversaire, un ex-Démocrate, ancien gouverneur de l'Etat de New-York, Andrew Cuomo. Il a promis de faire tout ce qu'il peut (notamment de priver New York de subventions fédérales) pour empêcher Mamdani, qu'il a qualifié de "communiste" et d'"immigrant illégal" de concrétiser son programme s'il était élu. Il a appelé les nombreux électeurs juifs à faire barrage à Mamdani, militant de la cause palestinienne qui a promis de ne pas faiblir "dans la lutte contre le fléau de l’antisémitisme" et qui a reçu le soutien d'une part non négligeable des électeurs juifs.
Dans deux mois, un socialiste de 34 ans dirigera la capitale financière du monde, la ville de naissance du néo-libéralisme, la ville qui a vu Trump faire grossir sa fortune à coups de cadeaux fiscaux, la ville laboratoire de l'épuration sociale, et l'une des villes les plus chères au monde. Une ville au budget de 116 milliards de dollars... Un soutien affiché de la cause palestinienne sera Maire d'une ville comptant autant de juifs que Tel Aviv. Mamdani n'a pas fait une campagne étiquetable comme "wokiste" : il a parlé logement, alimentation, pauvreté, transports publics, il a proposé de geler les loyers, d'instaurer la gratuité des bus, de créer des épiceries municipales, des crèches municipales gratuites et un salaire minimum. Un programme social-démocrate pur sucre et une stratégie gagnante, portée par des dizaines de milliers de volontaires: Mamdani a mobilisé les abstentionnistes, et, comme les candidates démocrates en Virginie et au New-Jersey, a récupéré la part de l'électorat latino et afro qui était passé du côté de Trump lors de l'élection présidentielle. Et il a soulevé un enthousiasme, une adhésion populaire et une mobilisation des jeunes dont les démocrates avaient perdu le souvenir depuis Obama.
Sans doute une hirondelle new-yorkaise ne fait-elle pas le printemps américain et une étincelle dans le Bronx ne met pas le feu à toute la plaine du middlewest mais du moins en nourrit-elle l'espoir... surtout quand elle brille deux semaines à une mobilisation massive (deux millions de participants à 2700 rassemblements dans tout le pays) le 18 octobre contre la politique de Trump). Mais l'obstacle pour que les Démocrates aillent plus loin, visent plus haut, défassent le trumpisme, reste le parti démocrate lui même. A peine est-ce d'ailleurs un parti : c'est plutôt une fédération de comités électoraux, sans cohérence politique entre eux. Les caciques du parti ne soutenaient pas Mamdani, ou alors du bout du bout des lèvres. Et souvent après qu'il ait été élu. Eux aussi ont perdu l'élection new-yorkaise... En revanche, les deux figures de proue de la gauche du parti, Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez, tous deux se revendiquant (comme lui) socialistes, sont avec lui vainqueurs de ce scrutin. « Trop de gens qui travaillent ne peuvent pas se reconnaître dans notre parti. La médiocrité doit dorénavant être reléguée dans notre passé», a proclamé le nouveau Maire de New York au soir de son élection. Sauf qu'elle va s'en doute s'accrocher
Avant le scrutin, il avait promis : "Nous triompherons des oligarques et nous redonnerons de la dignité à nos vies". Son élection a en tout cas redonné de la dignité au débat politique étasunien, qui, il est vrai, en avait grand besoin. Et, puisque lui-même se proclame socialiste (ce qui, aux Etats-Unis, le situe à la gauche de la gauche de la gauche), la campagne qu'il a menée jusqu'à sa victoire n'est pas sans enseignement pour les socialistes d'ici, même quand ils ne débattent pas d'un ambitieux projet de transformation sociale mais seulement d'un budget, d'un déficit, d'un impôt : ce qui nous différencie, nous oppose, à la droite, ce ne sont pas des choix de technique comptable, c'est une conception du rôle de la collectivité publique. Et un engagement de défense des prestations, des droits, des subventions liées aux unes et aux autres.
Mais on n'en dira pas plus avant quelques jours... ce qui nous laissera le temps laisser s'estomper les effets de la victoire des socialistes jurassiens qui remportent la majorité du gouvernement cantonal. Ce qui, sauf erreur de notre part, n'est plus jamais arrivé en Suisse depuis 1933, lorsque les socialistes genevois y parvinrent... "Le monde te regarde", avait lancé Bernie Sanders à Zohran Mamdani. Le monde, et le Jura...



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