Ce que nous dit l'échec (prévu) de l'initiative "pour l'avenir" :

Un vote balzacien

L'échec de l'initiative "pour l'avenir" de la Jeunesse socialiste était prévisible, et même prévu. Presque 40 % des électeurs socialistes auraient voté, selon un sondage Tamedia, contre l'initiative de la JS, soutenue par le PS. Mais que nous dit ce vote balzacien en faveur des gros héritages (ceux de plus de 50 millions) ? Il nous dit la force de l'idéologie. Pas la nôtre, certes, mais la dominante : on ne touche pas à la propriété privée transmissible par le sperme. Mais tout ne se clôt pas avec cette votation : notre engagement pour un avenir solidaire sur une planète vivable et pour une économie juste, et pour une fiscalité vraiment redistributive, continue. D'ailleurs, l'initiative «pour l'avenir» a été acceptée aux Cropettes, aux Délices et à la Jonction et avec 31,45 % de "oui", elle fait l'un des deux meilleurs (avec Bâl-Ville) résultats cantonaux de Suisse... Ce n'est qu'un début...

Le principe "pollueur-payeur", c'est bon pour les torchons, pas pour les serviettes ? 

La Jeunesse socialiste proposait de faire financer par la Cofédération la lutte contre la crise climatique et pour la transformation nécessaire de l'économie nécessaire en taxant les gros héritages supérieurs à 50 millions (les 50 premiers millions étant francs d'imposition), le produit de cet impôt étant réparti entre la Confédération et les cantons. 94 % des électeurs PLR ont voté contre ce texte. La même proportion d'électeurs UDC a produit le même vote, et ainsi sauvé les intérêts des enfants des nababs étrangers planqués en Suisse. Au Centre on a voté à 89 % contre l'impôt sur les gros héritages, et à 79 % chez les Verts libéraux. Ce qui confirme que le Centre est à droite et que les "Verts" libéraux sont surtout libéraux. Il n'y a donc que la gauche à avoir vraiment soutenu le texte -et encore : 39 % des socialistes et 30 % l'ont tout de même rejeté. Enfin, les jeunes sont deux fois plus favorables au texte que les plus âgés, et les urbains deux fois plus favorables que les ruraux.   Une campagne reposant sur un budget colossal aura donc permis de pousser bon nombre de citoyennes et de citoyens à voter contre une initiative qui ne taxait que les successions de plus de 50 millions et visait à empêcher la dégradation des conditions de vie de tous les autres : cela s'appelle l'aliénation. Et ça ne tombe pas du ciel, ni ne monte des enfers : cela se cultive, s'entretient, se finance. Et cela fait silence sur les conséquences sociales de la dégradation climatique : ce sont les plus précaires qui vont en souffrir le plus -et les plus riches qui y prennent la plus lourde part. Que pèse un sans abri qui grelotte dans la rue l'hiver, ou un ouvrier du bâtiment qui crève de chaud l'été sur son chantier, face aux 1 % de Suisses les plus riches (dont chacun émet 200 fois plus de CO2 qu'une personne à bas revenu), à Nestlé (deuxième producteur mondial de plastique) ou Holcim (plus gros pollueur suisse) ou à un patron de media dont les journaux et les sites clament que faire payer les plus riches va provoquer une apocalypse financière, ou à la "directrice politique générale" des syndicats patronaux genevois pour qui la JS "met en péril les fondements du système juridique suisse et la prospérité de notre pays" ? Huit millions de personnes peuvent mourir chaque année dans le monde, dont 300 en Suisse, du fait de la crise climatique, l'important est que quelques centaines de super-riches puissent, tout en salopant l'atmosphère, le climat, la terre et les eaux, transmettre leur super-richesse à leurs super-héritiers (et héritières) sans que le fisc fédéral y mettent son nez. 

Qui doit payer pour la crise climatique ? Ses victimes, ou ses coupables ? Le principe "pollueur-payeur", c'est bon pour les torchons, pas pour les serviettes ?

La liste des 300 personnes les plus riches de Suisse publiée par "Bilan" montre que ces 300 personnes possèdent plus (et que leurs descendants héritent plus) que des millions d’autres réunies. Et cela mesure le niveau de concentration des richesses dans notre pays. L'initiative de la JS ne touchait que 2500 personnes, les plus riches des plus riches, mais aurait accordé des moyens à une politique environnementale et sociale qui aurait bénéficié à toute la population. Sauf à ces 2500 personnes. Dont les adversaires de l'initiative prédisaient l'exode collectif. Or si la Confédération ne prélève aucun impôt sur les successions et les donations, presque tous les cantons le font, en restant dans la moyenne des pays développés pour ce qui est de la part de cet impôt dans les recettes fiscales, et cela sans qu'on ait connaissance d'un exode de nababs d'un canton à un autre. 

L'înitiative de la Jeunesse Socialiste a succombé dans les urnes ? La JS, le PS s'y attendaient. Nous aussi. Mais elle a permis de poser des priorités politiques, sociales, économiques, environnementales. Et  de mesurer la peur qu'elle avait suscitée au sein de la caste la plus privilégiée de ce pays et de ses porteurs d'eau politique à la force de leur campagne, de la précocité de son lancement (bien avant le début de la campagne officielle) et de l'ampleur des moyens mobilisés pour elle. Il ne s'agissait pourtant pas pour cette caste d'une question de vie ou de mort -seulement une question de maintien de ses privilèges et de ceux de sa descendance -celle qui ne s'est donnée que la peine de naître pour être riche. 


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