Deal trumpo-poutinien contre l'Ukraine
Munich ta mère
Ils étaient mignons tout plein, le 2 décembre à Moscou, les émissaires de Trump (son copain Steve Witkoff et son gendre Jared Koushner, tous deux promoteurs immobiliers) face à un Vladimir Poutine tout sourire, certain (à raison) qu'il allait les rouler dans la farine. Car si les deux Américains sont diplomatiquement ineptes, historiquement analphabètes et politiquement inconsistants, Poutine, lui, a une idéologie, une ligne et une expérience. Il pouvait se dire "tellement content" de voir ses commensaux (après les avoir fait attendre trois heures), tout aussi contents, eux, d'avoir fait "une belle ballade" dans Moscou, "une ville magnifique"... La vérité était tombée par les mots de Poutine, un peu avant cette parodie de négociation : "nous n'avons pas l'intention de faire la guerre à l'Europe, mais si l'Europe le souhaite, nous sommes prêts dès maintenant". Peu importe que la menace soit réelle ou tienne de la posture, elle dit bien qui est, avec l'Ukraine, l'ennemi de la Russie poutinienne : l'Europe, principal soutien financier de l'Ukraine, devant les USA. La posture poutinienne dit bien aussi ce que cherche Poutine en faisant miroiter un deal à Trump : dissocier les USA et l'Europe pour isoler l'Ukraine. Or se dissocier de l'Europe, Trump y est prêt, avec le soutien de l'extrême-droite européenne. Et si ça ne titille pas vos sens olfactifs d'une petite odeur munichoise, c'est sans doute que vous êtes enrhumé.
Un million et demi de soldats tués ou blessés ? Un détail de l'histoire...
Il y avait, en Union Soviétique, de 1957 à 1985, un ministre des Affaires étrangères, digne successeur de Molotov, qui s'appelait Andreï Gromyko. Qui a donné son nom à une doctrine de "négociation diplomatique" qui est restée celle de Poutine et de son ministre des Affaires étrangères, Lavrov. Cette doctrine formule trois étapes, successives, quand s'ouvrent, ou font mine de s'ouvrir, des négociations auxquelles on participe sans vouloir qu'elles aboutissent à autre chose qu'une capitulation de la partie adverse.
D'abord, entrer en "négociation" en formulant des exigences maximalistes, inacceptables au regard du droit international : par exemple, nier la souveraineté de l'Ukraine et toute légitimité à son président et à son gouvernement, poser les annexions par la force comme des acquis non négociables.
Ensuite, prendre une posture publique d'absolue rigidité, et la napper de menaces : par exemple, l'évocation par Poutine de la possibilité de l'usage de l'arme nucléaire ou d'une guerre avec l'Europe...
Enfin, compter sur les divisions des autres acteurs de la négociation. Comme l'assurait Gromyko, il y aura toujours à l'Ouest quelqu'un pour céder à nos exigences, il suffit d'attendre. Et on a le temps. Et on peut soutenir (par la désinformation, voire la manipulation des élections) au sein des opinions publiques et du champ politique d'en face les personnes, les media, les partis politiques partisans au moins d'un apaisement, au mieux d'une alliance : Trump aux USA, évidemment, Orban en Hongrie, évidemment, mais aussi le Rassemblement national en France, l'AfD en Allemagne, Reform UK en Grande-Bretagne...
Trump est si pressé d'en finir avec le soutien étasunien à l'Ukraine face à la Russie, et si fasciné par Poutine, qu'il a présenté sous non nom un "plan de paix" qui pourrait bien avoir été écrit par les conseillers du président russe -si ce n'est par le Tsar lui-même, et donné dans un premier temps aux Ukrainiens un délai sous forme d'ultimatum au 27 novembre (jour de Thanksgiving, l'action de grâce étasunienne pour l'autorisation que Dieu leur a donné aux colons européens d'exterminer les Amérindiens) pour l'accepter - Ce qui vaut à Trump une dissidence de plus en plus importante au sein de son propre camp, les républicains pro-ukrainiens étant rejoints par les "Maga" lui reprochant de perdre son temps à courir après un Prix Nobel de la Paix plutôt que s'occuper des affaires américaines (et des histoire de cul du réseau Epstein).
Une fois présenté ce "plan Trump" qui ressemble comme un frère à un "plan Poutine", les Européens (sauf ceux qui, comme Orban, sont déjà en mains russes) se sont activés aux côtés des Ukrainiens pour l'expurger de ce qu'il contenait de plus inacceptable, comme l'abandon à la Russie de larges territoires ukrainien, dont certains sont toujours sous contrôle ukrainien, ou le droit des USA de taper dans les actifs russes gelés en Europe. ou l'immunité des criminels de guerre... Le plan trumpiste initial était un plan de capitulation ukrainienne, mais il été réécrit à Genève par les Européens et les Ukrainien revenus par la fenêtre après que Trump leur ait fermé la porte. Mais des 28 points initiaux du plan Trumpine-Poutrump, il en reste tout de même encore 19. Que les Russes peuvent, s'ils ne les refusent pas clairement, faire mine d'accepter, mais avec la ferme intention de ne pas les respecter.
Aucun plan de paix n'amène la paix si toutes les parties au conflit n'y sont pas associées. Et la Russie refuse d'y associer l'Europe, et même l'Ukraine, à qui elle ne demande qu'une chose : capituler.
Et un million et demi de soldats ukrainiens et (surtout) russes ont été tués ou blessés depuis le début de cette guerre. Mais c'est un détail de l'histoire, comme dirait Le Pen père.



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