Initiative UDC-PLR contre la redevance audiovisuelle : La tour, prend gaaardeuh...

On votera le 8 mars prochain sur une nouvelle attaque de la droite de la droite (l'UDC et les jeunes PLR) contre les media de service public, ceux de la SSR : elle a fait aboutir une initiative populaire pour une réduction à 200 francs par an de la redevance audiovisuelle actuellement fixée à 335 francs, et pour exonérer les entreprises de cette redevance. Et ce texte a  quelques chances d'être accepté (un dernier sondage lui donne 53 % de sympathisants dans l'électorat), y compris dans des cantons comme Genève qui avaient nettement refusé une initiative précédente, "No Billag", visant à abolir purement et simplement la redevance, et qui avait été rejetée à 71 % en 2018. L'attaque, cette fois, est plus intelligente, moins brutale, (elle maintient une redevance, et la dotation aux radios et télévisions locales privées) mais les conséquences d'une victoire des adversaires du service public audiovisuel seraient à peine moins graves, en particulier pour les régions périphériques et les minorités linguistiques, que celles qu'aurait eu "No Billag", mais le Conseil fédéral a lui-même fait un pas en direction de l'initiative en décidant de ramener la redevance à 300 francs, ce qui n'a pas convaincu les initiants de retirer leur initiative : 300 francs, c'est pour eux amener encore trop de ressources à l'ennemi médiatique public. On n'aime pas être contraints à devoir défendre des institutions qu'on critique, et dont on ne sent pas, et n'avons pas à nous sentir, obligés d'être solidaires, mais qui sont attaquées par des porteurs de projets bien pire que tout ce qu'on peur reprocher aux institutions attaquées. 

En Suisse aussi, on a nos Bolloré... et notre RN... 

Face au risque d'une acceptation par le peuple et les cantons d'une réduction de plus du tiers de la redevance audiovisuelle, les défenseurs de la SSR dénoncent une "attaque contre la Suisse et sa diversité", et ils ont raison, mais on ne peut pas dire que la SSR ait facilité les choses pour ses défenseurs et ceux du service public, à force de tenter d'amadouer ses ennemis. Plombée financièrement par la chute de ses revenus publicitaires, elle a décidé d'un plan d'économies de 270 millions de francs (soit 17 % d'un budget d'un milliard et demi, dont presque la moitié est affectée au paiement des salaires, dont le demi-million de sa directrice générale, Susanne Wille)  -des économies à  mettre en oeuvre avant la fin 2029 (elle avait déjà fait 100 millions d'économies depuis 2018), impliquant la suppression de centaines de postes de travail par des retraites anticipées, des aides à la reconversion professionnelle, mais aussi des licenciements. Le 24 novembre, la directrice a annoncé une charrette de 900 suppressions de postes (sur 5700 équivalents plein temps) en quatre ans. Mais en même temps, la SSR n'a pas renoncé à investir 120 millions de francs dans la construction de nouveaux bâtiments à Lausanne alors qu'elle dispose d'une tour récemment rénovée à Genève. Ajoutez à cela les problèmes de gouvernance de l'entreprise, les pratiques de harcèlement qui y ont été révélées, les soupçons de népotisme qui pèsent sur elle, une ambiance générale de dérives médiatiques (certes plus fréquentes dans le secteur privé que dans le secteur public, mais n'épargnant pas forcément ce dernier) et de prises en mains de media par des magnats aussi peu soucieux de pluralisme de l'information que de sa qualité, vous aurez un tableau général qui ne plaide pas pour un triomphe des défenseurs des media de service public, même si l'initiative a été balayée par le parlement. 

On reviendra d'ici le 8 mars sur les effets possibles d'une acceptation de l'initiative udéciste et radelibe : réduction de la diversité de l'offre, affaiblissement de la capacité de production pour les publics des minorités linguistiques, centralisation de la production d'information. Tous effets collatéraux inévitables, mais qui ne sont en tant que tels pas les intentions premières des initiants, qui s'attaquent à la SSR, soit comme l'UDC  en dénonçant son "orientation générale très favorable à la gauche", soit comme les jeunes PLR, pour laisser la plus large possible aux media privés. La même offensive, venant de milieux comparables (ici l'UDC, en France le RN), est d'ailleurs en l'oeuvre en France, contre les media de services publics. En Suisse aussi, on a nos Bolloré... et notre RN...

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