La Ville de Genève achètera la Campagne Masset : C'était nécessaire, et ce n'est que justice
Il y a des dimanche où on apprécie grandement d'avoir pu prendre en même temps son petit dej' et connaissance des résultats d'une votation, fût-elle municipale (on s'épanchera sur les autres dans les jours à venir). Il pleuvait à Genève, hier, au début de l'après-midi, mais il y avait comme un arc-en-ciel démocratique entre l'avenue d'Aïre et les rives du Rhône : à un peu plus de 52,5 % des voix, le corps électoral de la Ville de Genève (plus précisément, 35,3 % de celles et ceux disposant du droit de vote et en ayant usé), dont font partie les étrangers établis dans la commune, a accepté la proposition d'acquisition par la Ville de la Campagne Masset. Seuls les arrondissements de Champel, Florissant-Malagnou, des Eaux-Vives (bas et haut) et de la Vieille-Ville ont refusé l'achat. Tous les autres, et notamment tous ceux de la rive-droite, l'ont accepté, avec un record (62,6 % de "oui") dans le quartier le plus concerné, Saint-Jean (à l'inverse, trois des quatre arrondissements qui le refusent sont déjà pourvus en grands parcs). Comme l'écrivent dans leur communiqué de victoire les partis et associations qui soutenaient le projet, par leur vote les Genevois-e-s de la Ville ont montré "leur volonté de se réapproprier leur territoire et d'accéder à plus d'espaces public végétalisés pour partager et respirer". La Ville a repris pour elle et pour sa population un domaine privé qui fut en partie constitué par la main basse de privés sur des prés communautaires. Aujourd'hui, elle les reprend. C'était nécessaire, et ce n'est que justice.
De la reprise individuelle à la reprise collective
Pour 21,5 millions (ou moins si accord) la Ville de Genève sera donc propriétaire d'une Maison de maître du XVIIIe siècle et de 3 hectares et demi de verdure. Le montant du crédit pour l'achat de la propriété ne tombait pas du ciel : il était fondé, à un million près, sur une expertise de la société immobilière Acanthe, qui évaluait le bien à une valeur vénale de 22,5 millions, ramenée à 21,5 millions après négociation avec le vendeur (qui l'avait acheté à 13,2 millions en 2008, et y avait consacré pour 5,3 millions de travaux). Enfermés dans leur argumentation comptable, et entretenant sans vergogne ni retenue la confusion entre les budget de fonctionnement et d’investissement, les opposants trouvaient cela trop cher. Ce ne fut pas l'avis de la majorité votante. La Ville investira donc dans l'achat et l'aménagement de la Campagne Masset. Elle en a les moyens: elle a 180 millions à consacrer à ses investissements. Et ça ne pèsera pas sur son déficit de fonctionnement, creusé à force de cadeaux fiscaux par les mêmes partis qui combattaient l'achat de la Campagne Masset en agitant ce déficit comme épouvantail.
On va pouvoir faire de cette maison et de cet espace quelque chose d'utile aux habitant.e.s. La villa ne sera pas sans affectation ouverte au public : en faire une ludothèque, une crèche, un espace social ou culturel, y loger des services publics peut se faire sans outrepasser la protection patrimoniale dont elle jouit. Il en va de même du parc : il est protégé, pas figé. Il peut être aménagé, si ces aménagements ne le dénaturent pas. Et même des aménagements plus lourds sont concevables, si une utilité publique prépondérante l'exige, comme dans le cas du parc Rigot qui sera concerné par la prolongation du tram. Et ça coûtera combien ? On l'ignore. Les opposants aussi l'ignoraient -ce qui ne les a pas empêché de clamer que ça coûterait cher. Trop cher. Trop cher pour quoi ? Pour ne rien faire, sans doute. Mais pour un parc et pour tout ce qu'on peut faire de la villa, certainement pas. Et le Conseil Municipal aura de toute façon l'occasion de se pencher, et de voter ou de refuser, les crédits proposés pour faire quelque chose d'une Campagne qui ne demande qu'à ce qu'on fasse d'elle autre chose qu'une résidence privée. Les comptables bornés pourront même lancer à nouveau un référendum -non plus contre l'achat de la Campagne, mais contre son aménagement.
La Campagne Masset sera donc un espace et un bâtiment appartenant à la Ville. Et donc à sa population, puisque c'est elle qui vient d'en décider. L'aurait-elle refusé qu'on serait de toute façon revenus à la charge, en proposant d'user du droit de préemption ou en lançant une initiative populaire. On aura pas besoin de le faire, le corps électoral municipal a pris la décision qu'on lui demandait de prendre : assurer la maîtrise de la Ville sur ce qui est devenu un espace de la ville. Et ça fait du bien par où ça passe : Les anarchistes du début du siècle dernier (mais il nous en reste quelque chose) pratiquaient la reprise individuelle, les Genevois.e.s du début du XXIe siècle pratiquent la reprise collective. Et ce n'est que justice.



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