Répression policière de la manifestation genevoise du 2 octobre pour Gaza : Brutale, disproportionnée, stupide

Jeudi dernier, c'était la Journée mondiale de la non-violence. Il aurait fallu en informer la police genevoise. 
En fin d'après-midi, plusieurs milliers de personnes s'étaient réunies, pacifiquement (jusqu'à s'asseoir à terre) à Genève  non loin de la gare de Cornavin pour protester contre l'arraisonnement par Israël de la flottille de solidarité qui tentait de briser le blocus imposé au ghetto de Gaza par Israël et d'amener une aide humanitaire à celles à celles et ceux qui s'y trouvent entassés, affamés et bombardés. Les participants de la flottille ont été arrêtés par les forces israéliennes et incarcérés dans la prison, ou le camp, de Ketziot, dans le désert du Néguev -une prison, ou un camp, dénoncé pour les conditions de détention qui y prévalent (violences physiques et psychologiques, privations de soins, restrictions à l'assistance juridique). Neuf d'entre eux sont revenus hier à Genève -il en reste dix en Israël. A Genève, les manifestants, encadrés par la police, sont descendus vers le pont du Mont-Blanc, s'y sont engagés, mais y ont été bloqués par un barrage policier. La police est alors intervenue brutalement (sur ordre ou non, et sur ordre de qui ?) contre la manifestation, enfants et personnes âgées compris. Et a poursuivi les manifestants jusqu'à l'intérieur de la gare et dans le quartier des Grottes. Une intervention inutile et stupide, qui met en cause un droit fondamental : celui de manifester.  Comme le rappelle Amnesty International, par la voix de sa juriste Anita Goh dans "Le Temps" de samedi, "dès lors qu'une manifestation est pacifique, qu'elle est reçu une autorisation ou non, elle doit être facilitée et protégée". Que la manifestation de jeudi n'ait pas été autorisée importe peu  : un droit dont l'exercice aurait besoin d'une autorisation ne serait plus un droit fondamental -or le droit de manifester est un droit fondamental, au strict sens du terme : il est au fondement, historiquement et politiquement, de la démocratie. Il ne se sollicite pas, il s'exerce.

Le N° 66 de Causes Communes (journal du PS de la Ville de Genève) est un numéro spécial portant sur Gaza. Il sera lancé le mardi 14 octobre à 18h à la librairie arabe l'Olivier (5 rue de Fribourg) et avec à 18h30 un échange avec Rula Jebreal et Tina Marinari : "La Palestine et la conscience du monde"

Dans une société libre, ce qui n'est pas explicitement interdit n'a pas besoin d'être autorisé

L'intervention policière, jeudi dernier à Genève, contre une manifestation qui n'avait rien de réellement menaçant (ce n'était pas un "Black Bloc" de 3000 personnes..), a été à la fois disproportionnée, brutale et inutile. Et donc stupide. Manifestants, passants, voyageurs dans la gare, clients des restaurants ont été gratifiés de gaz lacrymogène, après les tirs de balles en caoutchouc et de canons à eau sur les manifestants. Ni les enfants, ni les personnes les plus âgées, n'ont été épargnés. Et cela pour parer à quelles menaces ? des tags, des bris de vitrines, des feux de bengale ou de pneus ? La manifestation n'était pas autorisée ? Elle n'était pas interdite. Or ce qui sépare une société libre d'une dictature, c'est que dans une société libre, ce qui n'est pas explicitement interdit n'a pas besoin d'être autorisé: c'est dans une dictature qu'à l'inverse, tout ce qui n'a pas été autorisé est interdit. 

La flottille Somoud arraisonnée par les forces israéliennes avait pour but de "briser le blocus" imposé à Gaza par Israël, et d'apporter "une aide humanitaire à une population assiégée, confrontée à la famille et aux génocide". Et la manifestation pour but principal de soutenir la flottille et ses passagers.  Le PS  soutenait la manifestation, comme il soutenait la flottille et condamnait la politique israélienne d'épuration ethnique de la Palestine. Il a donc dénoncé la répression par une police usant de la force "de manière disproportionnée, mettant en danger les participantes à cette manifestation" n'exprimant pas autre chose que ce soutien à Gaza. On n'en attendait pas moins des socialistes*. Même si, ou surtout si, la police genevoise est sous l'autorité politique d'une Conseillère d'Etat socialiste, à qui le PS cantonal demande "de faire la lumière (...) sur l'intervention manifestement disproportionnée de la police", et que "des mesures et des sanctions soient prises" si "des dysfonctionnements et des dérapages policiers" sont avérés. La Jeunesse socialiste exige de la Conseillère d'Etat Carole-Anne Kast "qu'elle se désolidarise publiquement des violences commises hier soir et que les responsables soient sanctionné-es."Le PS de la Ville de Genève, lui, insiste sur la nécessité de garantir la liberté de manifester et assure que "Cette manifestation ne sera pas la dernière. Alors qu'un génocide est en cours à Gaza, que l'aide humanitaire est empêchée et qu'Israël autant que ses alliés continuent de bafouer le droit international, la population protestera. Cette solidarité des peuples sera toujours légitime et la réaction de l'Etat ne peut pas être la répression". Sauf que jeudi dernier, c'est cette réponse que la police de l'Etat a donnée. En expliquant que son dispositif était "normal". Et ses pratiques ? Plusieurs personnes ont été blessées par l'usage d'une violence injustifiable. Manifestement, le dispositif policier n'avait par pour but de garantir la sécurité, mais de d'empêcher la manifestation de se tenir. Et on se retrouvait, sans nostalgie, replongés dans un temps qu'on espérait révolu où toute manifestation non explicitement autorisée était considérée comme interdite, et donc réprimable. 

Sinon quoi ? armer la police municipale pour qu'elle puise protéger les manifestants de la police cantonale ? lancer depuis Evian une flottille de solidarité avec les manifestants genevois (et attendre que la police du lac l'arraisonne, et manifester sans autorisation contre cet arraisonnement, et se retrouver donc face à la police ?  On aurait ainsi inventé une sorte de mouvement perpétuel. Un cercle plus stupide que vicieux. 

Répression de la manifestation de 2 octobre en solidarité avec Gaza et en soutien à la Global Sumud Flotilla : les réactions socialistes genevoises 
https://pascalholenweg.blogspot.com/2025/10/repression-de-la-manifestation-du-2.html

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